Tout commence par une nuit de pleine lune, lorsque Walter Hartright, jeune professeur de dessin, croise sur la route de Londres une apparition fantomatique. Une femme vêtue de blanc surgie de nulle part, lui demande son chemin vers la ville, puis elle disparaît dans un cabriolet après avoir supplié Walter de garder le secret. Peu après, le jeune homme découvre que cette dame s'est échappée d'un asile d'aliénés.
Coïncidence étrange, la femme en blanc a parlé du Cumberland et c'est justement dans cette région que Walter se prépare à rejoindre ses nouvelles élèves. Il a été engagé par Frederic Fairlie, propriétaire de Limerick House, pour enseigner l'aquarelle aux nièces de celui-ci. C'est alors que naît une histoire d'amour impossible. Notre modeste professeur de dessin s'éprend de son élève, Laura Fairlie, belle et riche héritière, qui de plus est fiancée! Il se lie aussi d'amitié avec la demi-soeur de Laura, Marion Halcombe, jeune femme un peu trop indépendante pour l'époque mais dotée d'immenses qualités de cœur. Apprenant que la femme qu'il aime est promise à Sir Percival Glyde, un baronnet d'âge mûr, Walter quitte Limerick House, la mort dans l'âme. Et dans son désespoir, il ne tarde pas à pas à s'embarquer pour un voyage périlleux en Amérique centrale.
Entre temps, une lettre anonyme a mis en garde Miss Fairlie: elle ne doit surtout pas épouser son fiancé, car celui-ci dissimule un terrible secret et fera le malheur de sa femme. Mais qui a écrit cet avertissement effrayant? Les enfants du village affirment avoir vu une silhouette toute blanche errer près de la tombe de feue Mrs Fairlie, la mère de Laura et de Marion.
La suite de l'histoire est un angoissant thriller en même temps qu'une véritable enquête. Quel est le secret inavouable de Sir Percival? Et Pourquoi le Comte Fosco, cet Italien aux manières doucereuses, exerce-t-il une telle influence sur lui? La dame en blanc possède peut-être quelques renseignements, mais où a-t-elle disparu? Enfermées, menacées et trompées, Laura Fairlie et Marion Halcombe vivront des moments terrifiants dans la demeure de Sir Percival. Comme souvent dans son oeuvre, Wilkie Collins prend ici un parti féministe en dénonçant les maltraitances conjugales et les abus de pouvoir du mari. L'intrigue qui se noue ainsi est extrêmement complexe et difficile à résumer en quelques mots. On peut en tout cas affirmer, sans déflorer l'histoire, que le suspense y est omniprésent, qu'on va de rebondissement en rebondissement et que les deux méchants n'en finissent pas de se rendre haïssables. La violence et la fourberie de Sir Percival ne sont rien comparées au caractère machiavélique de Fosco. Ce personnage est probablement l'un des plus marquants de l'œuvre de Collins. Amateur d'oiseaux et de souris blanches - qu'il traite "comme des enfants baptisés"-, passionné de musique, de gilets clinquants et de pâtisseries, le Comte est à première vue un innocent gentleman quelque peu excentrique. Mais en réalité c'est un scélérat gras! Cela ne manque pas de choquer les lecteurs de l'époque, car l'embonpoint est alors associé à une certaine bienveillance!
Qu'on se rassure, il y aura un happy end grâce au retour de Walter et à l'intrépidité de Miss Halcombe, mais les nerfs du lecteur seront mis à rude épreuve plus d'une fois!
Ce roman est un tournant dans l'œuvre de Collins: il y développe pour la première fois un récit sous forme de témoignages, ce qui donne de l'authenticité à la narration et un caractère très vivant aux personnages. Dans la préface à l'édition française il explique que cette méthode lui est venue à l'esprit après avoir assisté à un procès. Comme plus tard dans "La pierre de lune", l'intrigue est ici relatée par plusieurs narrateurs - une bonne dizaine! - dont certains s'expriment plus longuement que les autres. En présentant à tour de rôle leurs points de vue, tous laissent transparaître leurs traits de caractère et leurs manies. La nonchalance toute égoïste de Frederic Fairlie, le ton de vanité satisfaite adopté par Fosco, le dévouement de Marion Halcombe et les confessions teintées de romantisme de Walter, tout cela créé une prodigieuse variété dans le cours du récit!
Cette œuvre a rencontré un si vif succès lors de sa parution en feuilleton, que de nombreux lecteurs ont écrit à Collins pour le supplier d'épargner la vie de ses héroïnes alors qu'une crise du roman les menaçait. D'autres, persuadés que le personnage de Miss Halcombe s'inspirait d'une personne vivante, sont allés jusqu'à la demander en mariage à Collins par lettres! Des paris ont même été lancés en Angleterre et en Amérique concernant le secret de Sir Percival! Un tel engouement est à mon avis justifié, et il est vrai que ce chef d'œuvre n'a pas pris une ride. En dire davantage serait gâcher le suspense. A vous de partir sur les traces de la dame en blanc, si vous en avez le courage.