Premier livre que j'ai pu lire d'Emmanuel Todd et je dois dire que la lecture a été plutôt agréable. La défaite de l'Occident a été écrit en réaction à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, mais au lieu d'aller encore une fois dans la "psychiatrisation" du Grand méchant loup Poutine, Todd se met à analyser le comportement du camp Occidental.
On peut comprendre pourquoi il a pu être qualifié de pro-russe, en effet sa critique du camp Occidental avec les Etats-Unis en tête est dure, mais argumentée. Tout au long de son livre, Todd source son argumentation avec généralement des sources elles-mêmes américaines ou anglo-saxonnes.
On pourrait être un peu perdu lorsqu'il utilise son système de filiation et d'organisation des familles pour justifier de la politique nationale et internationale des nations. Autant on peut y trouver des éléments intéressants qui peuvent donner un début de réponse, autant je trouve qu'il donne beaucoup trop de poids à son modèle.
Tout expliquer par un seul élément de réponse simplifie beaucoup trop son énoncé. Bien que son système a l'air très intéressant, il dit lui-même que c'est issu de 50 années de travail et l’on peut le croire sans difficulté.
Il ne faut pas oublier qu'il est anthropologue à l'origine et je trouve qu'utiliser son modèle pour apporter des débuts de réponses est une force, ce n'est pas un spécialiste politique ou géopolitique à la base. Il a également une très bonne compréhension des mécanismes monétaires et de la finance internationale qu'il dit provenir d'un entretien avec Peter Thiel (Investisseur américain). Par contre, la partie où il explique que le concept de PIB est périmé et tente de fournir un "vrai" PIB des Etats-Unis semble bancale, les facteurs pour les calculs sont donnés de manière arbitraire. Ce n'était pas nécessaire.
Il aime aussi beaucoup s'autociter en faisant référence à d'anciens livres qu'il a rédigés et je dois avouer que mon avis est partagé là-dessus. Je peux comprendre qu'il soit fier de son travail et qu'il souhaite le mettre en avant, mais à force c'est un peu gênant dans l'évolution du livre.
Dans l'ensemble, mon avis est positif. J'ai trouvé la lecture très intéressante et les propositions amenées par Todd, qui permettent à la fois d'expliquer ce déclin et de voir comment cela influence le comportement des élites Occidentales, sont extrêmement persuasives. L'écriture est limpide, les seules parties que je trouverais "jargonnante" sont celles où il utilise son système sur les modèles familiaux. Une petite partie consacrée à une synthèse explicative aurait été la bienvenue.
Pour ma part, cela m'a aussi permis d'avoir un peu plus d'information sur ce qu'étaient l'Ukraine et la Russie avant-guerre. Ce ne sont pas des parties du monde sur lesquelles nous sommes informés en général, sauf en mal. Et je crois que c'est aussi cela qui est plutôt rafraîchissant vis-à-vis de ce livre.
Il nous présente, nous Occidentaux, comme un groupe dans l'humanité avec ses propres valeurs et mœurs et non comme un étalon moral servant à mesurer tous les autres. Todd nous rappelle que nous ne sommes pas seuls et que d'autres modèles de société existent. L'absence de jugement sur Poutine ou la Chine est à rebours des journalistes des grands médias. Il montre d'ailleurs que la politique de Poutine peut se justifier, bien entendu il ne cautionne pas, mais il élimine tout de suite l'argument du "Poutine fou".
Finalement, je pense que c'est pour cela que j'ai apprécié cette lecture. Todd essaie autant qu'il peut de regarder froidement les données, les évènements et d'en sortir une analyse sans prendre en compte son propre tempérament, quelque chose difficile d'accès aujourd'hui.
Je ne peux m'empêcher de penser que son titre est un lointain rappel du livre d'Oswald Spengler, le Déclin de l'Occident. Livre dont il fait référence à un moment d'ailleurs.