« Mais, qu’est-ce que c’est que cette matière ?! Mais…?! Mais, c’est d’la merde ?! » - Le père Noël est une ordure (1982).
Bon au-delà de l’insulte, je m’en vais vous le démontrer. Alors pour commencer, la méthodologie et les concepts. Todd part du postulat que les sociétés sont basées sur un unique modèle de famille dite traditionnelle et les peuples, cet agrégat uniforme de familles donc seraient unis autour d’une seule idéologie politique qui les réuniraient autour de l’Etat. L’industrialisation au XIXème siècle aurait permis l’émergence d’une classe moyenne unie autour d’une idéologie et d’un projet : l’Etat-nation. L’émergence du néolibéralisme dans les années 1980 marquerait l’émergence de nouvelles inégalités économiques et le projet d’unité nationale serait remplacé par une immense prédation internationale des élites par le dollar roi ainsi que l’idéologie dite woke. L’Occident et ses élites n’attireraient plus personne que ce soit chez eux ou à l’international. Cette décadence morale qui a abouti aux guerres infructueuses au Moyen-Orient et à une agressivité adressée à l’encontre de la Russie aurait mené au 11 septembre et à la guerre en Ukraine. Nous vivrions donc la défaite de l’Occident.
Maintenant, pourquoi ce ne sont que des fadaises ?
D’abord, partir du postulat que la société est fondée sur la famille est une idée ayant le mérite de l’originalité. Cependant, rien ne le démontre. De surcroît, Todd se base sur l’idée que la famille ne correspond qu’à l’hétéronormativité monogame contemporaine. En gros, le couple hétéro et quelques enfants. Mais dans les faits, les choses sont plus complexes. La famille désigne couramment des personnes vivant ensemble, en communauté ou plus concrètement sous le même toit. Or dans le réel, la famille est une mosaïque de possibilités. Au-delà de la question LGBT (je te vois Bastien qui commence à pointer le wokisme de mon texte. Attends la fin avant de mettre ton commentaire insultant, tu seras gentil), la famille paysanne par exemple accepte en son sein les grandparents. Egalement, nous pouvons penser aux familles étendues qui accueillent les oncles, tantes, cousins ou cousines. Aussi, il y a les cas de familles recomposées par les séparations ou le veuvage. Enfin, j’espère que vous comprenez l’essentiel de ma critique : Dire que la société est basée sur la famille, pourquoi pas. C’est un parti pris intéressant. Mais, il n’y a pas une mais des familles différentes qui coexistent. De la même façon, Todd réduit les sociétés modernes à une domination de la classe moyenne unie par un unique modèle familial sur un Etat-nation. Or c’est faux. Déjà, ces concepts ne sont jamais définis clairement. L’Etat-nation selon qui ? Renan ? Hugo ? Robespierre ? Lénine ? Bainville ? Et quelle classe moyenne ? Est-ce qu’un ouvrier spécialisé gagnant 2000€ par mois appartient à la même classe qu’un avocat fiscaliste touchant 6000€ ? Le plus gros reproche à faire à ce livre est que les analyses s’avèrent totalement floues. Todd affirme que la société allemande est fondée sur le protestantisme et que le protestantisme. Mais, bien sûr que non. Un peu de jugeote permet de le savoir. Non l’Allemagne, ce n’est pas que le protestantisme et même au sein du protestantisme allemand, il y a des désaccords : Max Weber n’est pas Luther. Les idées ne sont pas des immanences trans-historiques mais le fruit de débats perpétuels et encore en cours aujourd’hui.
Le résultats des courses est un livre totalement abstraits qui part sur des abstractions. Todd ne se cache même plus ; puisque dans la conclusion, il ne donne même plus l’air de l’objectivité et commence à faire des prédictions au doigt mouillé.
Mais, la question est « pourquoi ? ». Pourquoi est-ce que Todd fournit une argumentation pseudo-rationnelle qui ne convaincra que les convaincus ?
Emmanuel Todd a annoncé la chute de l’URSS en 1976. Son parcours académique est celui d’un historien qui en ayant découvert les statistiques s’est mis en tête de pouvoir faire des analyses parfaites et objectives des sociétés. Or cette prétention plutôt mal placée est devenue sa marque de fabrique. Il balance des prédictions basées sur des axiomes et idées non-démontrées voire carrément fausses. Or une fois, il est tombé juste et c’est pourquoi certains voient en lui un prophète. Pour autant, il n’en est pas devenu un bon analyste. Saupoudrer ses idées de trois stats et de préconçus idéalistes ne fait pas de vous un bon géo-politiste.
Todd est clairement juste un idéologue penchant à droite. Clairement, l’objectif non-caché du livre est de faire l’apologie du Kremlin. Il écrit texto qu’il souhaite la victoire russe, parce qu’il déteste les autres idéologues plus marqués au centre-droit, centre gauche style BHL. Il va jusqu’à qualifier nos systèmes politiques « d’oligarchies financières » et la Russie de « démocratie autoritaire ». Alors, l’oxymore est jolie et dans la même gamme, je lui propose le pet parfumé ou le génocide humanitaire.
Bref… c’est de la merde… ne lisez pas ça. Prenez plutôt du Bernard Lahire, du Pascal Boniface ou encore du Bertrand Badie.