Petit opuscule efficace dans son effort de rendre intelligible un cheminement intellectuel qui rallie l'époque contemporaine depuis les Lumières.
Je m'attendais à du saignant, du brulant, du corrosif : que nenni. Il est loin du personnage de chef de file des "nouveaux réac" dont les hebdomadaires de papiers glacés nous suggèrent l'existence entre deux reportages exclusifs sur la Franc-maçonnerie ou la manière dont Sarko arrose ses amis corses. Peut-être a-t-il fait du chemin depuis 89, peut-être s'est-il laissé remplacer effectivement par ce personnage vitupérant sur un plateau télé. [edit] C'est du moins ce que laisse penser un reportage du Supplément du 2/09/14 où un critique littéraire du Monde affirme que sa prose se laisse de plus en plus aller dans le sens du bon mot et de la provocation. Il a dit.
Ici il n'est pas question de tout ça. Fk décrit avec finesse et honnêteté l'opposition entre l'ambition universaliste portée par les Lumières et le Volksgeist allemand, suscité en réaction à l'invasion Napoléonienne, la manière dont le Volksgeist a infusé dans la pensée française au XIX°, culminant en Barrès et tous les Anti-Dreyfusards au moment de l'affaire Dreyfus, puis comment les pays colonisés ont récupéré le précieux métal, l'alliant au marxisme dans un mélange contre-nature au coeur des forges de l'université française marxisée et des haut-fourneaux allemands du Volksgeist en effaçant le "je" au profit du "nous" communautaire et libérateur.
Toute cette démonstration se déroule dans un élan laborieux mais rigoureux, Fk s'appuyant sur Horder, Renan dont il tacle au passage l'antisémitisme (Il n'a pas pu s'empêcher, tout comme il ne retient pas les édito enflammés en cette période de tension Is-Pa), Goethe et d'autres (Boumediene, Césaire, Barrès...). Le raccord avec l'époque présente se fait tant bien que mal, avec une heureuse digression sur un projet de loi de l'époque Mitterrand (1984) sur le renvoi des délinquants étrangers dans leur pays, dont il critique la sélection eugéniste. On est loin de l'épouvantail réac bloqué sur un mono-discours comme Le point & Co voudraient le présenter. Il égratigne même la nouvelle droite, l'ancêtre de notre droite décomplexée dont il reproche la vacuité dans la dénonciation de l'allogène et rappelle qu'elle porte bien mal son épithète de "nouvelle droite".
Cette réflexion intéressante sur la disparition du sentiment universel de la pensée se casse la gueule dans un dernier chapitre qui fait vraiment lui pour le coup "nouveau réac". On change de ton et Fk plonge dans un discours plus confus, une charge contre la montée de l'individu tout-puissant. C'est moins clair, un peu plus héroïque cependant que la première partie.
Il tire à vue sur la consécration de l'invidu, qui s'érige parallèlement à la fusion du sujet autonome dans le "nous" communautaire partout dans le monde, il dénonce le remplacement du discours musical par le règne de l'émotion dans la musique contemporaine, et paf Jean-Paul II, et pan le concert contre le sida, et bim tout le monde.
L'essai se conclut par une référence à l'homme révolté de Camus (bien donc) me semble-t-il, en l'évocation du fanatique et du zombie.