La Délicatesse par lilikb
Racontée, l'histoire n'est pas grand-chose ou pourrait tomber donner dans le psychologique un peu grossier : le personnage principal, Nathalie, se retrouve veuve au bout de sept ans de vie avec son mari François et doit affronter le monde qui l'entoure, les mesquineries de son entreprise, les hommes qui la désirent. Mais ce qui rend la lecture intéressante dès le début du roman est cette sorte de distance, cette quasi objectivité prise par le narrateur : les sentiments et les attitudes des personnages sont décrits précisément, par des mots simples et justes et dans un style relativement neutre. Ce qui devient encore plus intéressant, c'est que cette distance prise au début du roman (on pourrait avoir l'impression d'une sorte de description-type des relations humaines, presque d'une étude sociologique des sentiments) se mue au fil du roman en une réelle affection et une réelle émotion : on voit littéralement les personnages prendre de l'épaisseur, passer du statut de "personnage-type" au statut de personnage unique. Foenkinos joue constamment de cette tension entre objectivité et subjectivité : le style est empreint d'une certaine objectivité alors qu'il n'est question que de sentiments très forts ; d'un autre côté, les citations, numéros et listes qui alternent avec l'intrigue peuvent, alors que ce sont des écrits figés, être le creuset d'une émotion. Belle manière romanesque de faire résider les actions humaines, leurs causes et leurs conséquences, dans des endroits où on ne les attend pas.