Le dernier roman de Tracy Chevalier défriche des sujets ayant eu une grande importance dans la fin des années 1800 mais qui font, encore aujourd’hui, échos dans nos sociétés. Passant de la religion à l‘isolement social et à la perte de repères, mais aussi par les questions de l’esclavage, tout y passe. C’est le choc de deux cultures, de deux pays unis par la même langue mais que tout oppose. Angleterre contre Amérique.
Et puis il y a Honor Bright. L’anglaise fraichement débarquée dans le nouveau monde. La fugitive. Tout au long du récit, elle ne va cesser de fuir. Tantôt son passé, tantôt son présent. En somme, Honor fuit sa propre vie. Et dans cette fuite incessante, Honor va entrainer d’autres protagonistes qui eux-mêmes vont lui insuffler cette envie, ce besoin, de fuir.
Ces protagonistes qui gravitent autour d’elle vont considérablement la changer et la transformer. On assiste à la naissance d’une femme. Partie d’Angleterre avec sa sœur, qu’elle perdra très tôt lors de ce grand voyage, Honor est une jeune femme réservée et fragile. Elle parle peu, voire pas du tout et préfère la solitude, le silence, la quiétude de la couture. Mais en Amérique les choses sont bien différentes. La communauté dans laquelle elle doit désormais vivre, ne voit pas d’un bon œil son isolement et sa façon d’être. Perdue, seule face à sa nouvelle famille qu’elle ne connait pas, Honor va apprendre à vivre « à la dure ». Désormais en charge d’une ferme, la jeune fille est bien loin de son Angleterre et des jours où elle flânait au soleil.
Mais ce qui va changer Honor Bright de manière considérable, c’est sa découverte brutale de l’esclavagisme. Avant son arrivée en Amérique, Honor n’avait jamais vu de personnes de couleurs. Malgré tout, la jeune femme ne comprend pas pourquoi cet esclavagisme à cours ici. Tandis que sa famille lui explique que tout ceci est normal et qu’il y a rien à faire, Honor fera tout pour aider le plus grand nombre de fugitifs noirs. Oui, Honor n’est pas la seule à fuir. Et, en comparaison de ce que ces gens fuient (l’esclavagisme, la mort…), ses problèmes paraissent bien dérisoires. Honor va alors se trouver au milieu d’un conflit qui la dépasse et qui va profondément la métamorphoser… Si bien qu’Honor cessera de fuir.
Nous fuyons tous quelque chose que ce soit le deuil, la tristesse, l'amour... Pourtant, il nous faut cesser de fuir. Tout comme Honor a réussi à affronter sa nouvelle vie, nous le devons aussi.
Tracy Chevalier signe ici un roman qui pose des questions sur l’engagement des uns et des autres. Elle démontre combien nous dépendons tous des autres pour avancer dans nos vies. Elle aborde le sujet de l’esclavagisme (important dans l’actualité) sous un nouveau jour et un nouveau regard : celui d’une jeune fille candide, ignorante de ce monde.
Il y avait longtemps que je ne m’étais pas autant passionnée pour un roman. Je vais désormais m’attaquer à toutes les œuvres de Tracy Chevalier dont je trouve l’écriture fine, belle et agréable. Ses personnages ont tous un petit quelque chose qui nous font les aimer, même les plus ignobles. La preuve, mon personnage préféré de "La dernière fugitive" n’est autre que Donovan… Ils ont tous un côté très humain qui m’a ému au point de me faire verser une larme lors des ultimes pages…