J'ai trouvé ce récit intimiste très poignant et intéressant.
Je connaissais déjà Annie Ernaux par les récits de son enfance (La honte, La place, Les armoires vides) et de sa jeunesse (L’événement, Mémoire de fille).
Ici, elle raconte la construction de son identité féminine, ses relations avec la gente masculine, son rapport à la sexualité depuis sa plus tendre enfance jusqu'à son divorce.
Ce que j'ai trouvé exceptionnel, c'est la précision avec laquelle l'auteure exprime ses sentiments, ses sensations, ses experiences, époque par époque, étape après étape de sa vie, décrivant progressivement comment son identité de femme s'est construite et affirmée (souvent en opposition avec son milieu d'origine).
Certains mots employés et certaines situations vécues dans l'enfance prêtent à sourire. C'est tout un monde, c'est toute une époque et c'est très plaisant à lire.
Pour ma part, même si je suis bien plus jeune que l'écrivaine, j'y ai retrouvé des choses personnelles comparables, que j'ai pu avoir vécu. En ce sens, je trouve que ce récit est assez universel. Chaque personne (homme ou femme) pourrait s'identifier en partie à des éléments du récit.
Pour la première fois dans son oeuvre, Annie Ernaux évoque son mariage et sa vie de mère qui est devenu peu à peu un piège pour elle et qu'elle a vécu comme une prison (d’où le titre).
En toile de fond, subsiste, comme dans ses autres romans, une analyse très subtile de sa relation avec ses parents, de sa découverte du monde et de sa place chèrement gagnée dans la société, qui ont fait qu'elle s'est propulsée à une échelle sociale nettement supérieure à celle de ses parents, par les études, l'ouverture culturelle et sa profession (elle est devenue prof de lettres).
J'adore la façon dont elle évoque son milieu d’origine avec un regard critique, et en même temps une immense tendresse.
La description de ses ressentis de jeune mère et de jeune épouse est très fouillée. Quelle solitude ! ça fait froid dans le dos ...
Il faut dire que dans les années 60, la plupart des jeunes femmes étaient assignées à des rôles stéréotypés d'épouses et de mères qui se devaient d'être parfaites, ne travaillaient pas, restaient à la maison et s'occupaient de leur bébé, attendant gentiment le retour de leur mari le soir, dans un isolement assez prononcé.
Annie Ernaux, avide d’émancipation et de liberté, a fait voler tout ça en éclat et a refusé cette vie morne qui ne lui correspondait pas. C'est donc un récit d’émancipation.
Ce roman m'a fait penser à Mémoires d'une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir.
Je trouve Annie Ernaux éminemment féministe et pour moi, c'est une des meilleures romancières contemporaines de l'intime.