Un jour, dans 40 ans, un romancier s'emparera de l'ère libéralo-répressive d'Emmanuel Macron, et ce sera pas de la tarte... Quels trésors de narration, quelles prouesses linguistiques, quelle poésie d'anti-matière de flamboyance faudra t-il déployer pour rendre romanesque cette époque essentiellement marquée par l'impuissance politique et ses démonstratifs excès ? En plus, Houellebecq sera mort d'ici là.
Les dictatures sud américaines, c'est un autre topo.
Un dictateur est toujours une figure romanesque, un personnage par son propre culte de la personnalité, terrifiant jusqu'au grotesque, que l'histoire a placé sur le devant de la scène. Une scène, que dis-je, une fresque, car celui-ci a eu une longue carrière, faite et défaite par un Empire du Bien qui avait maille à partir avec un autre Empire du bien, le rouge, celui du vieux continent. Il n'est pas question d'en rire ou d'admirer, mais Trujillo appartient au pittoresque du western global au même titre que Pinochet ou Castro.
Personnellement, de cette grande île Haïtio-Dominicaine, je ne connaissais que l'instabilité par ouïe dire ; du tyran peu de choses, et de Mario Vargas Llosa, apparemment renseigné, impliqué voire engagé, romancier et auteur, rien du tout.
Aussi, si l'histoire de la fin de cette dictature dominicaine est passionnante, les choix narratifs m'ont parfois déboussolée. La Fête au Bouc est racontée selon plusieurs fils narratifs qui se rejoignent sur les derniers jours pour l'assassinat de l'autoproclamé "Bienfaiteur de la Nation" et l'issue de sa disparition dans un pays orphelin pourtant toujours dans l'ombre du Grand Frère.
Elle donne une voix à Trujillo, offrant un portrait intime, intéressant et crédible, ainsi qu'à ses opposants qui ont fomenté l'attentat et réussi au prix d'horribles sacrifices. C'est sur la troisième voix que j'ai coincé, avec le point de vue d'un personnage fictif, qui ouvre et ferme l'oeuvre. Je n'ai pas bien compris ce qu'apportait la vie et l'avis de cette fille imaginaire d'un lieutenant servile tombé en disgrâce, se parlant souvent à elle même, ses titres universitaires, sa frigidité héritée du traumatisme, sa relation au passé à la fois distante et hantée etc. Certes, c'est cette voix qui décortique l'emprise du dictateur sur les notables du pays, allant jusqu'au droit de cuissage voire la pédophilie, mais au fond elle semble surtout renforcer l'aspect romanesque avec force détails psychologiques oiseux et de la complaisance, de la cruauté, parfaitement inutiles compte tenu des faits historiques accablants et fort bien présentés par ailleurs.