Quelque part dans le royaume de Charles VI le fou, Armagnacs, Bourguignons et ecclésiastiques se mettent sur la tronche ou sur celle d’hérétiques tout en ruminant la défaite d’Azincourt, c’est au milieu de ce joyeux chaos que l’on prend la trace d’une troupe de saltimbanques, vulgaires et baratineurs, exposant monstres en cartons et jupons affriolants pour leur survie quotidienne.
Avec La Fille de l’Archer, on nage immédiatement en plein Brussolo, tribulations médiévales fantastiques, forains loqueteux, nobles déments et toujours du sang et de la crasse collés partout de page en page, les amateurs apprécieront.
Malheureusement, il faut bien reconnaître un certain manque de souffle à cette histoire, dû à une autre particularité des romans de Brussolo – et pas des meilleurs – la réorientation de l’intrigue.
Ainsi la première partie tend vers l’ambiance d’Hurlemort en laissant aux personnages la place centrale de l’histoire et le soin de la rythmer. Pas franchement plaisants à première vue, on s’attache pourtant un petit peu à cette troupe de glandus et bien sûr à Wallah, la fameuse fille de l’archer, prototype de l’héroïne à la sauce Brussolo : jeune, courageuse, différente.
Mais après un début de développement vite torché, on glisse peu à peu vers une intrigue plus typique des autres thrillers médiévaux de l’auteur où se mêlent mensonges et surnaturel. Le changement est si brusque qu’il coupe le livre en deux et transforme complétement l’ambiance et les enjeux.
J’imagine aisément Serge Brussolo devant son papier, en train de se dire que finalement il ne sait pas où il veut en venir, alors il change tout et comme il en a déjà écrit un tiers et qu’il n’a pas que ça à faire vu qu’il doit finir 10 autres bouquins cette année, ben au lieu de tout jeter il va juste faire comme si c’était un prologue et caler une autre histoire derrière. Quand on écrit au kilomètre, il y a toujours un peu de déchet…
Pourtant, aucune trouvaille surprenante ne vient justifier cette transition vu que la deuxième moitié du livre est tout à fait classique, piochant un peu partout dans l’abondante bibliographie Brussolienne. On passe un bon moment malgré tout car Wallah est attachante, et je suis bon public, mais Brussolo ronronne, on l’entend presque faire ses gammes et dérouler son histoire en cochant les cases de tout ce qu’il faut y mettre. Pas transcendant.