Même mesuré à l'aune de la qualité très relative des best sellers mondiaux, "la Fille du Train" est un livre des plus médiocres, au point que "l'honnête lecteur" (comme il y avait jadis des "honnêtes hommes") qui aura réussi à terminer l'épreuve que constitue sa lecture se sentira probablement presque épouvanté par l'idée du plébiscite global envers ce genre de "machin" aussi stupide qu'informe. Commençons par pointer l'unique intérêt de la première (et espérons le dernière, même si c'est plus qu'improbable) "oeuvre" de Paula Hawkins : "la Fille du Train" est un portrait sans complaisance de trois femmes échappant largement aux stéréotypes habituels du roman "populaire", victimes d'un mal être qui semble irrémédiable et se traduit par l'alcoolisme ou la nymphomanie, mais surtout victimes des hommes, ici tous plus méprisables les uns que les autres. C'est frappant, c'est parfois désespérant, c'est en tous cas une peinture accablante de notre société. Cela pourrait justifier les quelques heures que l'on perdra avec ce livre... s'il n'y avait pas tout le reste : car je ne vois pas ce qu'on peut trouver à sauver ici... Les amoureux de polars - comme moi -, attirés par les mensonges promotionnels sur la couverture, pousseront forcément des cris d'orfraie devant la prévisibilité de l'intrigue, mais surtout devant le manque d'imagination de Mrs Hawkins, qui doit recourir à un trou de mémoire pour créer un misérable "suspense", ce qui doit quand même représenter le degré zéro en la matière ! Pire encore peut être, le recours systématique au "il" ou "elle" pour parler des personnages dans les scènes-clés afin de confondre le lecteur, et de retarder ainsi la "révélation" de leur identité ! Mais ce qui plombe "la fille du train" - sans mentionner l'inanité du "style", puisque c'est malheureusement la règle en matière de best sellers, ou les longueurs dans lesquelles s'empêtre la chronique de l'alcoolisme de Rachel -, c'est la très, très mauvaise idée de la construction chorale, limitée de plus artificiellement à une scène le matin et une scène le soir pour chaque journée : voici une règle littéralement intenable, dans laquelle Mrs Hawkins dissout rapidement la cohérence de ses personnages (qui font et disent un peu n'importe quoi, au point qu'on ne croit plus du tout à ce qu'on lit...), embrouille son lecteur par des accrocs assez lâches à la chronologie, et échoue surtout à y inscrire "élégamment" (?) les misérables rebondissements de son histoire. Le tout donne un livre consternant, dont je me vois contraint de déconseiller fortement la lecture à toute personne qui n'aurait pas à affronter un vol transatlantique sans autre secours que ce "machin" trouvé dans les toilettes de l'aéroport, où il devait servir à un usage bien plus trivial. [Critique écrite en 2016]