La Fin de Satan
8.1
La Fin de Satan

livre de Victor Hugo (1886)

La chute de l'ange rebelle


Dans l'atmosphère feutrée du Salon Rouge de la maison Victor Hugo, place des Vosges, de lourds rideaux pourpres forment l'élégante toile de fond d'une petite scène carrée,où un fauteuil Voltaire vert céladon occupe presque tout l'espace, avec, derrière lui, un lampadaire en forme de boule. La disposition des chaises des spectateurs, comme blottis en arc de cercle devant cette petite scène crée immédiatement un sentiment d'intimité, de proximité très agréable. Le noir gagne la salle et la lumière fait apparaître la comédienne Christine Guênon. C'est elle qui a adapté ce long poème de Victor Hugo, se concentrant exclusivement sur la figure de Satan.Le texte s'en trouve resserré, forcément plus court que l'original, mais son adaptation fait de "La fin de Satan"  un continuum, sans les "appartés" du texte originel, et donc plus compréhensible en spectacle.
Dans un premier temps, la comédienne se tait, scrute la salle d'un regard franc, provocant, altier puis commence à dire les premiers mots du poème. D'emblée, on est frappé par l'extraordinaire puissance de la voix, et par la parfaite diction, ce timbre vibrant qui donne un relief à chacun des mots, des vers de la chute de l'ange rebelle. Telle une conteuse, sa voix a le fabuleux pouvoir évocateur de nous faire croire que nous y sommes, dans ces ténèbres. Christine Guênon ne dit pas seulement le poème (de mémoire, soit dit en passant), elle l'incarne, véritablement, comme le faisait judicieusement remarquer Gérard Audinet lors de sa présentation du spectacle. Elle donne une rare densité à cette prière duelle à Dieu, encore amour et déjà haine, par ses modulations de voix, parfois cri, parfois murmure, par les respirations nécessaires que créent de longues répliques dites à voix forte. Les lumières accompagnent le spectacle avec subtilité par des changements imperceptibles ; le noir se fait à la fin d'une strophe et permet à la comédienne de changer de position sur le fauteuil, en fonction du texte, bien sûr. Cette représentation fut un enchantement, et laisse l'impression durable d'avoir assisté à un moment précieux et privilégié.

abel79
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 6 févr. 2022

Critique lue 49 fois

1 j'aime

2 commentaires

abel79

Écrit par

Critique lue 49 fois

1
2

D'autres avis sur La Fin de Satan

La Fin de Satan
Frenhofer
10

Ô toi, le plus savant et le plus beau des anges, Dieu trahi par le sort et privé de louanges !

"Les poètes ne chantent plus au lutrin. Jusqu'ici, n'est-ce pas, il fallait, pour s'accompagner, les grandes orgues du mètre officiel. Eh bien! On en a trop joué, et on s'en est lassé. En mourant, le...

le 26 avr. 2017

8 j'aime

6

La Fin de Satan
abel79
10

La chute de l'ange rebelle

La chute de l'ange rebelle Dans l'atmosphère feutrée du Salon Rouge de la maison Victor Hugo, place des Vosges, de lourds rideaux pourpres forment l'élégante toile de fond d'une petite scène...

le 6 févr. 2022

1 j'aime

2

La Fin de Satan
RawhideKid
8

Mais oui, tant qu'à faire !

Allons-y, notons Victor Hugo ! C'est, et ça étonnera tout le monde, admirablement écrit. Je suis beaucoup plus sensible au poète qu'au romancier. Mais le côté bondieuseries est un peu trop présent à...

le 20 avr. 2020

1 j'aime

Du même critique

Drive My Car
abel79
10

La voiture rouge

La montée en puissance de Ryūsuke Hamaguchi ne cesse de s'amplifier ; « Passion » était encore joliment timide, «   Senses » avait à mon goût un côté trop...

le 31 août 2021

10 j'aime

23

TÁR
abel79
5

Du goudron et des plumes

"Tàr" est la collusion ratée entre la volonté de confronter un vieux monde (une certaine notion de la musique classique) avec l’actuel, biberonné au wokisme. Cela donne, par exemple : "Je ne joue pas...

le 16 nov. 2022

8 j'aime

24

EO
abel79
10

L'oeil d'Eo

Eo est un joyau, un geste cinématographique sidérant, tant sont concentrés, dans un montage serré, des plans forts en à peine une heure vingt. Jerzy Skolimovski dit à la fin du film qu’il l’a fait...

le 29 nov. 2022

6 j'aime

18