La Fin des temps par Julie Slomianowski
A travers La Fin des temps, Haruki Murakami entraîne son lecteur dans deux univers que tout oppose: l'un résolument proche du nôtre, tandis que l'autre, à l'atmosphère apocalyptique semble étrangement dépourvu d'art, d'âme ou d'émotion. Pourtant, à mesure que l'on passe de l'un à l'autre, ces mondes se superposent, se confondent et diffusent leur lot de mystères insensés, qui entraînent le narrateur au cœur de profondeurs insondables, bien au-delà des frontières du monde et de sa propre conscience humaine.
L'esprit de Lovecraft semble donc souffler sur cette œuvre de science-fiction, et même parfois guider la plume de Murakami, lorsqu'il perd ses personnages au fond de sombres souterrains peuplés de créature chthoniennes impitoyables et menaçantes.
La première partie de ce roman, haletante et bien rythmée accroche donc bien, suscitant de nombreuses questions et réflexions. Pourtant, quand vient le moment des réponses, c'est le lecteur que perd Murakami avec des explications scientifiques aussi confuses qu'invraisemblables. En tant qu'œuvre de science-fiction, La Fin des temps est donc clairement ratée, bien que l'idée de départ soit plutôt attrayante, autorisant d'intéressantes réflexions sur des sujets tels que les mondes parallèles ou la neurotechnologie.
Restent les images comme toujours foisonnantes et irrésistibles chez Murakami, qui se plaît à comparer le monde à une vaste cuisine ou la vie de couple à une niche de chien. Reste un hymne passionné à notre monde, à la vie, à l'amour, à la bonne bouffe, et surtout à la musique:
"Je n'avais besoin de rien d'autre. Si on laissait son cœur voler dans ce vent tel un oiseau, cela suffisait. Je ne pourrai jamais abandonner mon cœur, pensai-je. Il pouvait être si lourd par moments, si sombre, et à d'autres moments danser comme un oiseau dans le vent, et il pouvait aussi promener son regard sur l'éternité. Je pouvais enfouir mon cœur même dans l'écho de ce petit accordéon."
Un hymne tout de même fichtrement bien écrit, donc plaisant à lire, malgré que le genre soit mal maîtrisé.