Entre ordinaire et extra ordinaire, ici, Jayaprakash Satyamurthy explore le genre et les genres littéraires, parvient à se jouer des frontières et des assignations.
La création d’une nouvelle maison d’édition ou d’une collection est toujours un évènement, plus particulièrement quand une nouvelle structure semble recouper certaines de nos préoccupations, ici, à Litteralutte, c’est peut-être le cas avec Courant Alternatif, nous verrons bien. Avec trois titres pour son lancement, j’ai donc choisi d’évoquer La force de l’eau, la traduction a été confiée aux soins de Lise Capitan, Strenght of the water dans sa version originale [Polyversity Press, Londres, 2019] de Jayaprakash Satyamurthy.
ASSIGNATION(S) DE GENRE
On a tendance, au fil des critiques, à passer outre la couverture, c’est un tort. La couverture, c’est le premier contact qu’a tout·e lecteur·ice avec le livre. C’est ce qui, en premier, est vu. Elle ne figure pas la qualité du livre, loin de là ; réussie, elle permet de tracer les contours de ce que recoupent les pages. Ici nous avons le singe de le symbole mathématique de l’infini [∞], rappelons qu’il ne s’agit pas d’un « nombre infini », mais du concept de l’infin. Le symbole [∞] seul n’a pas de sens, dans cette couverture il est figuré en courant aquatique circulaire, formant en même temps le symbole du masculin (à droite) et du féminin (à gauche).
L’eau, l’infini et les genres masculin et féminin. Trois éléments qui peuvent résumer à merveille ce que portent les pages. Nous sommes en Inde, il n’y a pas de date exacte, mais nous nous situons après les années 2000. Il y a Sati (étudiante) et Satyan (étudiant). Pas à leur place, ni en tant qu’étudiant·es, ni dans l’organisation sociale dans laquelle elle et lui vivent, et encore moins vis-à-vis du genre qui leur a été assigné à la naissance.
Sati : ce contrôle social opéré sur le corps des femmes – pas seulement présent en Inde ou dans les « pays pauvres », on le trouve partout avec plus ou moins d’intensité et sous différentes modalités ; nous en avons déjà parlé.
Quand est-ce que les gens capituleront sur son apparence à elle, sa
façon de parler, sa façon de marcher ? Même la fille la plus discrète
(…) entends cette rengaine a droit à ce comité de surveillance. p. 8
Satyan : les mythes viriliste qui pullulent partout – cinéma, télévision – lui qui n’en veut pas, ne désire pas de ce pouvoir octroyé par le genre auquel on l’a assigné. Non par bonté ou quoi ce soit, pas à son aise dans ce rôle qu’une organisation sociale voudrait lui octroyer. Les assemblées masculines (masculinistes ?), il les évite.
… les garçons sont très exigeants et les magazines sont très
détaillés, et toute le monde a vu Alerte à Malibu… il pense aux hommes
et aux gemmes qui devraient être égaux, mais c’est difficile de
s’imaginer parler à l’une d’elles… il y a les bonnasses – pour le
réservoir à fantasmes – les laiderons – pas un terme dont il est
vraiment fan, mais il s’assied tranquillement pendant que les autres
font leurs commentaires – le silence est un puits dans lequel il se
noie… pp. 15-16
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