Il est fort, le bougre. Il nous retourne comme une crêpe dans la dernière partie du livre.
Parce que certes, je n'ai pas retrouvé les images hallucinatoires du Problème à Trois corps (le jeu), ni le côté touffu du premier opus, qui nous obligeait à tirer les fils, à avancer à tâtons, entre le passé et le présent, pour démêler avec jubilation le noeud d'une terrible et implacable conjuration cosmique, motivée par la plus profonde noirceur humaine.
Ici, on avance à visages découverts ou presque, tant les plans des "Colmateurs" semblent maladroits, enfantins.
L'intrigue est assez linéaire, on se dirige droit vers la catastrophe, et, il faut le dire, on s'ennuie un peu. Certains personnages sont assez caricaturaux (Rey Diaz, peinture très américaine de Chavez ; Taylor, qui incarne le proverbe très américano-compatible "la fin justifie les moyens"...), et la romance entre Luo Ji et Zhuang Yan frise le ridicule, et est presque dérangeante (oui oui, c'est un kidnapping, rien de moins hein).
Il y a certes du beau dans tout ça : les descriptions douces et empreintes d'une nostalgie pré-post apocalyptique de paysages de montagnes ; le sentiment chez les protagonistes de sentir le monde leur filer entre les doigts, et leurs tentatives diverses d'y faire face (j'adore les petites saynètes entre les trois vieux voisins). J'aime également cette représentation ultime du devoir (qu'il soit filial ou militaire) à travers le personnage Zhang Beihai, surtout au regard de la conclusion du livre.
Puis arrive la malédiction, et la grande ellipse. La fin du livre est extrêmement dérangeante, car l'optimisme a remplacé la peur, l'illusion a gagné sur le réel. Les gens ont arrêté de réfléchir. Et on le sait.
Zhang Beihai semble avoir eu raison de fomenter son plan funeste, le terrible choix du moindre mal. Et pourtant, un colmatage est encore à l'oeuvre. Cette discussion entre Shi Qiang et Luo Ji (on passera sur la camaraderie un poil forcée entre les 2 personnages, qui ne sont pas tant côtoyés dans leur vie), dans le noir total, leurs cigarettes représentant deux étoiles se faisant face, est selon moi la plus belle image de ce livre. A la forêt futuriste emplie d'écrans et de lumières clignotantes, dans laquelle tout se sait, s'oppose la forêt sombre et primitive de l'univers, dans laquelle la suspicion est reine. Le tout, c'est de savoir à quel moment faire un peu de lumière...