Résumé
Beaucoup d'idées plus ou moins intéressantes mais pas toujours bien exploitées, avec une couche latente de sexisme et des propos politiques problématiques.
Détails (et spoilers)
Pour ce deuxième tome, Liu Cixin abandonne quasiment le concept du jeu vidéo pour nous détailler le programme Colmateur et notamment le train de vie de l'un d'entres eux : Luo Ji. L'idée est plutôt attrayante, les différentes personnalités des Colmateurs (aucune femme tiens tiens) posent de bonnes bases, et l'affrontement scientifique avec les Trisolarien·ne·s a de quoi nous emporter pour les centaines de pages qui arrivent.
Mais bien tristement, au bout d'une séquence introductive plutôt correcte, l'auteur nous détaille les obsessions de Luo Ji et nous accable de détails sur la femme des rêves du Colmateur. Un certain sexisme était déjà existant dans le précédent tome, mais cela se cantonnait à des descriptions physiques uniquement féminines et assez rares sur l'ensemble du roman. Ici, on a le droit à des dizaines de pages sur les fantasmes de Luo Ji quant à la femme parfaite, qui correspond bien évidemment à tous les standards de beauté dominants. De plus, cela n'apporte pas vraiment à la construction du personnage, dont l'hédonisme aurait pu nous être évoqué de biens d'autres manières.
Par ailleurs, La Forêt sombre s'avère également problématique sur le plan politique de façon plus globale. On s'étonnera de l'absence totale d'une représentation africaine ou océanienne, mais également de la couardise au moment d'évoquer le meilleure système politique. Alors que Liu Cixin est si prolixe pour expliciter les caractéristiques physiques des femmes, il l'est bien moins pour parler politique et mode de représentation, ou pour s'arrêter sur ce que serait la sexualité dans ce monde futuriste. Certains passages sont même plus qu'ambigus et donnent l'impression d'un conservatisme qui frôle avec les thèses d'extrême droite - notamment ces quelques lignes où un lien semble être fait entre décadence et pratiques sexuelles non dominantes.
De manière générale, de nombreuses pistes narratives sont effleurées et mal traitées. Au-delà des questions d'organisation politique, on aurait souhaité en savoir plus sur les controverses philosophiques posées par un tel contexte. Beaucoup de sujets ont été évoquées dans le précédent tome et même dans celui-ci, qu'il s'agisse de la misanthropie, de la profusion technologique, de l'environnement, sans que le propos soit bien clair, hormis peut être sur les limites de la croissance, mais cela reste assez décevant au vu de l'immense potentialité d'un tel univers, et du nombre de pages qui y sont alloués.
Liu Cixin parvient donc à poser de nombreux enjeux, tout en alternant entre hard SF et pédagogie avec, là encore, plus ou moins de réussite. Mais La Forêt sombre est un roman inégal, avec certains messages pertinents sur la peur de l'inconnu et notre lien avec la nature, mais qui reste bien souvent trop superficiel au profit de détails secondaires, quand ils ne sont pas simplement problématiques.
5/10 -> 4.5/10 suite à la lecture finalisée de la trilogie le 22 janvier 2025 (cf. critique du tome 3)