"Le cas Bryant est un rappel salutaire de l'importance de la contingence dans l'histoire. "L'Histoire n'est pas la tragédie, rappelle Pierre Vidal-Naquet. pour comprendre le réel historique, il faut parfois ne pas connaître la fin". il faut résister à la tentation de lire l'histoire de la France de l'entre-deux-guerres comme une simple préhistoire de Vichy.
Ce livre est une somme de plus de 700 pages sur l'occupation. Chaque chapitre (24 avec un avant-propos et un épilogue) pourrait faire l'objet d'un livre aussi épais et chaque sous-chapitre pourrait faire l'objet lui-même d'un livre.)
Ce livre est un panorama de l'occupation depuis l'état d'esprit avant la guerre, les envies qui traversaient la société jusqu'aux questions de la collaboration, la complexité de la résistance en passant par Vichy (où Paxton est amplement cité).
Et c'est complexe.
Imaginez une carte de France traitant des alliances, une carte de France traitant des luttes, une autre traitant des rapports politiques, une autre traitant des ambitions de Pétain, une autre des la volonté d'indépendance de la France face aux grandes puissances, une autre sur la manière dont les Français appréhendaient les Allemands, une autre sur les valeurs et ainsi de suite.
Maintenant superposez ces cartes et ajoutez-y le TEMPS qui faisaient évoluer ces questions, ajoutez-y une sociologie et ajoutez-y encore les individus, individus qui évoluaient et vous avez un portrait qui est complexe.
Et c'est tant mieux.
C'est tant mieux parce que nos représentations sont souvent manichéennes avec les bons et les méchants, avec la gauche et la droite avec notre orgueil qui bien sûr nous auraient placés du bon côté, tout cela construit dans une dynamique historique qui a fait se décaler les points d'observation.
Quelques chapitres sont un peu durs à lire. Entre autres ce lui sur la résistance avec ses multiples organisations et ses rapports de force.
Mais au milieu de ce gros livre un grand nombre de points méritent d'être retenus. En vrac:
la capacité de de Gaulle à l'opportunisme
une différence faite entre accommodation, collaboration et
collaborationisme avec beaucoup de nuances.
le désir de Laval (bien décrit par Paxton) d'organiser une France
indépendante
des collaborateurs et des résistants de tous bords politiques
un regard sur les juifs et leur déportation aujourd'hui anachronique
Communistes jouant toujours leur partition à l'écart
...
Le dernier chapitre sur la manière dont s'écrit l'histoire de l'occupation dans l'imaginaire est bienvenue.
Ce dernier chapitre se conclut sur:
"Jamais les historiens, seuls, ne pourront trancher ces querelles de mémoire qui, au niveau le plus fondamental, sont des débats sur l'identité nationale. A l'évidence, tout effort pour construire une identité autour de l'idée que Vichy n'était pas la France sera voué à l'échec: l'affirmation d'un de Gaulle d'un 'Vichy nul et non avenu" ne sert plus aucune fin dans la France contemporaine. Par ailleurs, il n'est pas moins trompeur de répudier l'existence d'une Résistance qui représenta aussi la "France". Au bout du compte, cependant, l'opposition de ces deux "France" est elle-même fallacieuse et stérile. La solution du problème ne saurait être de construire l'identité autour de la répudiation absolue de l'une ou de l'étreinte inconditionnelle de l'autre. S'il est une leçon à tirer de Péguy, c'est qu'il convient d'apporter le passé français dans toutes ses contradictions et sa complexité. C'est alors seulement qu'on peut en faire une évaluation critique. […]"