La Geste du sixième royaume par Kazoo
Tout commence par un rassemblement. Llir, barde un rien désabusé, Meav, sorcière restée plusieurs siècles dans l’Oubli, Corius, marchand goguenard mais surtout demi-nain, Moineau, jeune voleur des rues et enfin Naorl, homme-loup séparé de sa Meute, n’ont rien en commun. Et pourtant, tous ressentent l’envie, le besoin de se rendre dans la Grande Forêt.
Car une guerre se prépare, et ils ont été choisi pour représenter le Père. Face à eux, cinq autres Hérauts, représentant de l’Autre. Enfin, pour être précis, du Maître. Car, du point de vue de son petit groupe, l’Autre, c’est le Père. On est tous l’Autre d’un Autre. Ou un truc du genre.
Le point de départ semble ainsi plutôt simple, mais se complique rapidement, grâce à l’univers créé par Adrien Tomas, univers qui se révèle immensément riche. Car il y a un réel contexte géopolitique au coeur des cinq royaumes humains, une Histoire avec un grand H, avec des rivalités de clans, des trahisons et des rancoeurs. A ce sujet, on regrettera la façon dont certains pans de cette histoire nous sont amenés, notamment la leçon entre Moineau et Thena, qui m’a parut très artificielle à la relecture (alors qu’en soit, l’idée est bonne). Du reste, les dialogues, vivants et animés, sont l’une des forces de ce roman.
On tient donc entre nos mains un véritable petit monde, qui vit sous nos yeux ébahis.
L’auteur reprend à bon escient les figures connues de la fantasy : nains, dragons, elfes, prédictions, élus et tout le tintouin. Mais en se les réappropriant totalement, évitant ainsi les clichés éculés (mais je n’en dirais pas plus, surprise, suprise !).
En parlant de clichés, on pourra regretter que, s’il n’y a pas à proprement parler de combat du Bien contre le Mal, puisque les deux entités sont nécessaires et n’ont que faire de la morale (suffit de voir leur méthode), et même si l’auteur semble rester neutre, tel les Historiens de son récit, il y a cependant, dans les différent groupes, des pistes qui guident nos choix.
En effet, on a, d’un côté, un assassin professionnel, un psychopathe pervers, un monstre affreux, une dame grise sans scrupule et, touche de clarté finale, une guerrière idéaliste. Tous étaient au courant depuis longtemps de leur rôle de Héraut, ce qui est un net avantage. Face à eux, cinq personnes, relativement innocentes, qui n’en savent encore rien au début du livre. Mais à part ça, les Règles de cette guerre sont strictes. Hum.
Mais là, vous vous demandez en quoi une petite baston 5 vs 5 peut-elle être épique ? Tout simplement parce que chaque Héraut doit diriger son peuple pour affronter son semblable de l’autre équipe. Prophète contre Prophète, Bête contre Bête, etc. On a ainsi un conflit mondial qui se prépare, menant droit à la destruction de l’une des deux Puissances.
On a donc, déjà, une dizaine de personnages différents. Ce qui peut paraître beaucoup. Mais ce n’est pas fini ! Il y a également d’autres qui viendront se greffer au récit à mesure que l’histoire avance. Certains, peut-être, se perdront devant cet avalanche de noms.
Enfin, tout au long des 500 pages, on assiste à une véritable partie d’échec menée avec brio par les deux Puissances, entraînant le monde dans leur guerre, quitte à faire des sacrifices. Car oui, l’auteur n’y va pas avec le dos de la cuillère, et, après nous avoir présenté ses dix protagonistes, n’hésitent pas à les faire mourir cruellement. Quel camp l’emportera ?…
A noter que, après un final riche en rebondissements, même l’épilogue se permet de jouer avec le lecteur, avec une surprise de taille. Alors même qu’elle avait été annoncée subtilement bien en amont (mais ça, je l’ai vu en le relisant).
Bref, j’aurais encore beaucoup à dire (les sylphides, le rôle des Filles…), mais je préfère ne rien gâcher en en révélant trop. Du coup, je vais m’arrêter là, et vous conseiller gentiment de l’acheter, ce bouquin !