« La guerre des pauvres » est un ouvrage court mais caniculaire eu égard à son substrat et à sa sonorité particulièrement actuelle, ouvrant une brèche définitive pour une insurrection collective. C’est au moyen d’une plume d’ordinaire audacieuse et palpitante qu’Éric Vuillard offre une turbulence littéraire qui s’adosse à une archéologie contestataire précise. Sa puissance évocatrice et sa scénographie des mots unique irriguent alors un conte historique à la forme pamphlétaire qui appelle à la vindicte populaire et participe à un certain acquittement des oubliés, des masses laborieuses. Si la personne de Thomas Müntzer n’inaugure pas historiquement l’émancipation de ces classes, il se fait tout de même le complice d’une convergence des luttes essentielle -encore aujourd’hui indispensable- par le biais d’une authentique passion dont l’apanage exclusif parvient à fédérer la foule quand même l’issue, défaitiste, ne constitue pas un élément primordial. Ce livre, précis et mitraillé, accomplit le fait de capturer l’essence d’une histoire héroïque - et non relevant du martyre, figure désacralisée par l’auteur - qui désigne le langage et la littérature comme de véritables instruments de mutinerie. Ce texte, aux chapitres affûtés, est alors un véritable ressac qui vient scruter une contemporanéité, aux confins d’une haine croissante terrifiante.