Dans ce court récit de 68 pages, d’une incroyable densité d’écriture dans la concision et chargé d’une grande érudition, Éric Vuillard narre une suite de révoltes des peuples contre les princes et tous les représentants du pouvoir. C’est en Angleterre, où les Lollards, membres ou sympathisants du mouvement de contestation religieuse et sociale, initié le théologien John Wyclif, débutent cette "Guerre des pauvres". Et l’on est frappé par la radicalité des idées, un total changement de conception de la société, qui n'est pas sans rappeler la Révolution Française, sauf que là, le point de départ est la volonté d’une relation directe entre l’homme et Dieu. L’écriture accompagne avec gourmandise ces bouleversements, utilisant à l’occasion des vocables allemands, ayant recours parfois à des expressions plus triviales et citant abondamment des personnages bibliques. Elle peut se faire hugolienne comme dans l’expression "Une pauvreté détruit, une autre exalte." C’est donc un texte (pour le laïc que je suis) à lire avec, à portée de main, un ordinateur, afin d’être précisément renseigné sur toutes les personnes citées. Le mouvement essaimera ensuite vers la France, en Bohème, puis en Allemagne. Les faits se déroulent du 14ème siècle au 16ème siècle. Bien sûr, ce peuple désorganisé et mal armé se fera massacrer par les armées des princes. Thomas Müntzer, fil rouge du récit et dernier à mener cette révolte prône tout de même "Un monde sans privilège, sans propriété, sans état" ! Sa mise à mort d'une cruauté extrême clôt ce récit magnifique, où j’ai, à chaque page, appris quelque chose.