Holy. Jesus. Fuck.
Quand t'ouvres ce roman un brin copieux y'a un genre d'avertissement de la part de l'éditeur qui te dit que ça fait gentiment penser à Harry Potter et tout. Bon je comprends les besoins accrocheurs, les passerelles et similitudes pour donner envie (et en plus ça fonctionne), sauf qu'en faisant ça, la perception change complètement, on s'attend à tomber sur un roman fantastique sino-américain, médiéval avec un chouïa d'Harry (qui peut être sombre mais ça va, c'est gentillet quoi, très grand public, de qualité ET grand public)
Ben putain, c'est tellement mieux que ça !
L'univers médiéval inspiré du Moyen-Âge chinois est merveilleusement décrit, foisonnant, Kuang ayant pompée sur un nombre incalculables de références (je dis "pomper", mais c'est pas péjoratif, pensez "inspirer", ça passera mieux) ; on retrouve de la stratégie de guerre (Sunzi, qui vous rappellera forcément un certain Art de la Guerre d'un autre général, dans notre matrice à nous), des divinités animistes (64), un pays unifié mais dans lequel les régions se livrent des guerres internes, ...
On a l'impression d'être en Chine médiévale, ça a le goût de la Chine médiévale, mais ... mais on peut parfois lire des mots aussi modernes et décalés tels que COOL, MERDE et autres GÉNIAL. De plus, les personnages réagissent comme dans une surproduction américaine de qualité ... Un parti pris qui peut surprendre, mais vous serez encore plus surpris de voir que ça fonctionne très bien ici.
Rin, une jeune adolescente orpheline de guerre est élevée par une tante affable qui la vend à un mec super riche. La gosse, c'est une sorte de Mulan en puissance au caractère bien trempé, et comme son meilleur pote du village c'est le vieux bibliothécaire accroc à l'opium, elle le supplie de lui apprendre à étudier afin de participer à l'un des concours militaire les plus prestigieux du pays .. Qu'elle gagnera forcément à force de volonté et de rigueur !
Et c'est là que la partie HP rentre dans le game ; les cours, les profs, les interactions entre les personnages (le futur meilleur ami de Rin vous fera sacrément penser à Ron, ..). Et franchement c'est assez subtil pour ne pas être une pâle copie, tout en gardant le meilleur.
Bref, Rin a plein plein de cours auxquels elle participe mais un prof va retenir particulièrement son attention (et lui la sienne) ; le prof de savoirs traditionnels ; on dirait un cours spécial réac' sur le papier, mais le principe c'est d'apprendre comment se défoncer le mieux possible afin de communier avec les dieux.
Et c'est là que la Guerre du Pavot prend corps, un corps qui se poursuit jusqu'à la fin du roman ; ce génial roman est un roman initiatique sur le chamanisme. Tout en discréditant les drogues dures et leur addiction, Kuang préférant faire l'apologie de l'utilisation de psychotropes à des fins introspectives et salvatrices pour l'avenir d'une nation (un sacré pari, que je trouve franchement réussi).
Car Rin n'est pas une simple mortelle et ce livre ne serait pas aussi captivant sans notions d'éternelles bastons entre le Bien et le Mal (je m'arrête ici pour le spoil manichéen, les pirouettes et l'originalité de l'auteure quant à la finalité sont juste dément).
J'ai LITTÉRALEMENT dévoré ce petit golden nugget. J'ai flippé au début mais vraiment au début. Je me suis retrouvé happé dans une aventure avec une héroïne forte (qui choisit délibérément de se bousiller le système reproductif pour ne pas accomplir son devoir naturel de femme inscrite dans une société archaïque et patriarcale (j'vous dit ce livre est génial)).
Franchement allez-y ; c'est fluide, hyper bien traduit, sino-hollywoodien à souhaits (j'ai envie de me constituer une petite filmo de films asiatiques fantastiques et médiévaux j'vous raconte pas ...).
En somme, La Guerre du Pavot rempli son devoir ; il crée vraiment des passerelles entre plusieurs genres tout en vous donnant envie de lire ce qui a permis sa création.
Fou.