L’histoire est une discipline souvent plus subie que vécue de nos jours. Ce fait s’explique, car l’histoire nous est imposée par la lourdeur des manuels scolaires. Certes, les gens aiment en partie l’histoire et s’en constitue une vague idée par leurs souvenirs du collège-lycée ou par les vulgarisateurs sur Internet. Or « pourquoi faire de l’histoire » est une question qui semble nous échapper ? Encore mieux, comment pourrions nous prendre plaisir à faire de l’histoire ?
La lecture de Thucydide apporte les réponses à ses questions. Histoire signifie originellement enquête en grec. Enquête de quoi ? Il s’agit de la quête de la vérité du présent dans le passé, c’est-à-dire que étudier l’histoire n’est pas une étude littérale du passé mais une tentative d’explication du présent en revenant sur ses origines.
« L’histoire est un perpétuel recommencement » est la phrase la plus connue de Thucydide. Pourtant, peu en comprenne le sens. Selon lui, chaque situation humaine que ce soit celle d’hier ou d’aujourd’hui est unique mais comporte un dénominateur commun : le facteur humain. Etudier l’histoire revient à étudier une culture étrangère, car éloignée par le temps et l’espace de nous. Cependant comme nous sommes liés à eux par le fil du temps et notre humanité, alors nous comparons notre époque et la nôtre, afin d’en saisir autant les différences que la ressemblance. L’historien est philosophe dans la mesure où l’histoire n’est pas que science mais aussi philosophie, car nous cherchons à définir et à penser l’homme par comparaison des époques entre elles. Un historien n’est pas qu’un rapporteur aussi objectif soit il, parce qu’il est également auteur et penseur.
Si Hérdote est le premier historien, alors Thucydide est dans l’histoire de la pensée occidentale le premier penseur de la méthode historique et le premier philosophe de l’histoire. Il compare son oeuvre à un trésor, un patrimoine qui aidera les futures générations à comprendre leurs époques respectives par comparaison avec ses analyses objectives de la sienne. Hobbes avait toujours à l’esprit les écrits de La Guerre du Péloponnèse. Encore aujourd’hui, des livres comme « Thucydide et la guerre froide » ou « Thucydide et la guerre en Ukraine » se publient. Comme quoi le pari est réussi.
Alors aujourd’hui, certains éléments de la pensée de Thucydide sont largement discutés parmi les historiens : son déterminisme selon quoi il y aura toujours un dominant et un dominé, son cynisme donc, son impérialisme assumé, sa trop grabde admiration de Périclès, sa détestation trop évidente de Cléon, le chef de la faction démocrate et de manière plus générale, sa complaisance avec la classe dominante dont il faisait parti avant son déclassement par ostracisme.
Pour autant, Thcydide vaut à ce titre vraiment le détour, car celui-ci demeure celui par quoi l’histoire a vraiment commencé.