La guerre éternelle, paru en 1975, est l'œuvre d'un écrivain à l'époque quasiment néophyte, mais qui a combattu entre 1967 et 1969 au Vietnam, dans l'U.S Army. Et on ressent très vite dans ce premier roman, une touche très personnelle, qui s'incarne dans les descriptions de l'entrainement militaire, puis des combats de son personnage principal William Mandella. Transposés bien évidemment dans des univers de plus en plus futuristes. Une sorte d'autobiographie décalée, à n'en pas douter, au point que la compagne de Mandella s'appelle Marygay Potter, qui est aussi le nom de l'épouse d'Haldeman dans la vie réelle. Et que Mandella, c'est presque Haldeman écrit à l'envers. Et que William, c'est le second prénom de Joe Mandella. Bref, un bouquin très sincère, dont l'écriture est parfois maladroite (sans doute le côté néophyte), mais souvent touchante.
A côté de cela, ce livre est bourré d'idées originales et intelligentes. Car Haldeman - comme Mandella - est un scientifique, et il exploite très intelligement le paradigme de la relativité. Résumons : Mandella part combattre les extraterrestres sur une planète lointaine, et ça va durer quelques mois (ou années) dans son référentiel de temps. Mais, comme il voyage à une vitesse proche de celle de la lumière, il va s'écouler sur terre des décennies, ou même des siècles, selon la destination de Mandella. Et du coup, les adversaires qu'il affronte peuvent aussi venir d'une autre époque. De fait, avec un seul personnage, l'histoire s'étale entre les années 2007 et 3143. D'où sans doute, le titre du bouquin, d'ailleurs inexact car la guerre finira par s'achever, mais Mandella ne l'apprendra, de retour de sa dernière mission, que bien après que cela ne se soit produit. Très sympas, ces paradoxes temporels, bien foutus et finalement une possibilité assez peu exploitée par les auteurs de SF. Avec en prime une chute dans la même veine et du coup surprenante et très réussie.
Et entre ses différentes missions, Mandella revient passer quelques mois sur terre et constate, éberlué, les évolutions de la civilisation humaine. Une évocation, sans aucune doute, des difficultés ressenties à l'époque par les combattants du Vietnam lors de leur retour au pays. Mais aussi pour l'auteur une façon d'essayer anticiper le devenir du monde. Après tout, il s'agit bien d'un roman d'anticipation. Là encore, dans une veine cette fois plus sociétale que scientifique, beaucoup d'imagination et quelques très bonnes idées, parfois loufoques et délirantes. Il y a ainsi trois "retours sur terre", et le passage qui se situe en 2024 est particulièrement pessimiste, au point qu'Haldeman dût le réécrire dans la version du bouquin initialement publiée aux Etats-Unis (j'avais les deux versions dans mon édition et j'ai pu comparer).
Et puis, enfin, c'est aussi un bouquin antimilitariste, une critique acerbe et pleine d'ironie des armées et de l'institution, dans un esprit très seventies. Voilà, un classique de la SF, assez atypique tout de même et qui mérite le détour, même s'il faut admettre que la description des armements futuristes - les champs de stase - est plutôt complexe...oui, sur ce point, je ne suis pas certain d'avoir tout compris.