Je me souviens encore d'avoir refermé ce livre, hébété, sans pouvoir me concentrer pendant plus de vingt minutes. Vingt longues minutes. Une page qui se tourne en soi. La Horde du Contrevent t'agrippe et t'engouffre dans sa quête de connaissance et impossible quête de sens. Il déroule l'histoire d'une expédition aux confins du monde, à la recherche d'un savoir que plus personne ne recherche. Une mission à la fois vitale et inutile.
« Vis chaque instant comme si c'était le dernier. »
Ému et secoué, je le remis à sa place et retirai, vibrant, le second de sa paroi. À l'écriture, c'était à l'évidence le même auteur.
« Vis chaque instant comme si c'était le premier. »
Je posai le bloc et l'émotion me monta aux yeux. Ces deux phrases avaient une telle puissance, une telle extension vitale que j'en demeurai absolument ébloui, fauché sur pied, laissant les spires de cette pensée s'enfoncer dans ma chair et y creuser des ouvertures profondes qui s'aéraient déjà, déjà se laissaient traverser par le pollen de ces mots de passe.
Alain Damasio a la plume ciselée et se joue des mots, littéralement. Par delà les joutes verbales et concours de poésie qui égayent les pages, on retrouve en filigrane un passionnant travail linguistique centré – comme dans nombreuses de ses œuvres – sur la force chaotique du vent. Les personnages et leur énergie vitale, le Vif, l'environnement désertique impitoyable, balayé par des ouragans, mais aussi la technique, la science et l'écriture, tout se confond et s'unit. Un magnifique travail que réalise ici Alain Damasio.
On retrouve enfin dans ce livre l'engagement politique de l'auteur qui poursuit la réflexion plus révoltée de la Zone du Dehors. Comment résister à ces sociétés consommatrices et consuméristes ? La Horde du Contrevent y répond par un questionnement sur l'humain et le sens de nos vies, balancées ou motrices, repliées ou liées. Sa lecture appelle en nous cet élan vital et nous interpelle. Pourquoi ? Quand ? Maintenant !