Cette critique contient, en plus de beaucoup de défauts car elle la première que je publie, la particularité d'être un spoiler tout entier car elle reflète plus l'expérience de lecture et les pensées qu'elle me provoque à chaud plutôt qu'une sorte de teaser pouvant vous donner envie de lire le livre. Vous pouvez dorénavant continuer à parcourir cette critique en connaisance de causes.
Je ne sais pas par où commencer à vrai dire. Un sujet aussi fondamental que celui de la quête de sens aussi bien traité dans une œuvre de fiction contemporaine… chapeau bas. Ça me fait penser à un passage du livre « le temps scellé » d’Andrei Tarkovsky que j’admire qui parle de la science-fiction comme d’un excellent moyen de traiter des sujets philosophiques et métaphysiques car c’est un genre qui permet de créer une situation dans laquelle on peut extirper l’essence fondamentale de l’homme : se séparer des fioritures de notre vie quotidienne pour pouvoir garder les conditions primaires d’existence et ainsi ressortir et souligner l’essence de l’être humain. Ici la marche pour atteindre « l’extrême amont », but autant grandiloquant qu’il est indéfini (l’absence de définition précise ayant d’ailleurs une corrélation presque linéaire avec sa force d’attraction).
Je pourrais passer des heures à tergiverser sur quelles sont les leçons que nous pouvons en tirer tant elles sont multiples et parfois contradictoires, comme la vie même finalement… mais si on devait bien en garder une ce serait d’oublier de chercher un sens aux choses puisque le sens, comme son triple usage indique (sens comme les 5 sens : ce que le corps perçoit en-dehors de lui, sens d’un chemin : vers où il mène, ou sens d’un mot : ce qu’il souhaite désigner, faire comprendre) indique toujours une extrapolation en-dehors, quelque chose d’au-delà… un mot, une notion, qui ne peut s’appliquer à la vie car, au-delà de la vie il n’y a rien, si ce n’est le néant. Et, quand on pense avoir atteint ce sens tant désiré, comme une partie des personnages le font au dernier chapitre, on ne peut être que déçus ou vivre dans le déni… ce que fera Golgoth par exemple, qui ne pourra supporter la vérité et d’une certaine manière préfère mourir plutôt que de renoncer et d’accepter la réalité telle qu’elle est).
J’ai beaucoup apprécié les références philosophiques reliées à Deleuze (évidemment cela éveille en moi un certain orgueil et de la vanité que je ne cherche pas à dissimuler : d’une certaine manière je me dis que ces dernières années passées à « cultiver mon jardin » commencent à porter leurs fruits) avec les notions de Rhizome, quand Sov est face à la fontaine et nous dit que l’homme est comme un rhizome face à un problème : la solution peut naître de n’importe où et n’importe quand ; ou bien celui de pli, quand Caracole relie cette notion au vif et aux conjonctions de coordinations pour expliquer quelque chose qui semble inexplicable… Mais, s’il y a bien un philosophe dont les enseignements sont transcendés dans ce livre est bien Nietzche. L’importance, la nécessité de l’oubli pour vivre est constamment rappelée à travers les chapitres… les deux jumeaux, arrivés au bout du chemin, oublierons Golgoth et sa quête car, de tout le livre, ce sont eux qui sont, d’une certaine manière, faits pour être heureux et ce bonheur, qui passe nécessairement par le « carpe diem », ne peut se réaliser qu’à travers l’oubli d’un devoir, d’un idéal, qui empêchait sa réalisation. La mémoire de leur devoir n’était qu’un boulet leur empêchant de profiter de la vie, tout comme le reste de la horde d’ailleurs.
Cependant, ce qui est intéressant dans le livre et ce qui fait sa profondeur est que cette vérité n’est pas applicable à tous : Sov ne pourra lui pas oublier car c’est au contraire pour lui la mémoire qui lui permet encore de mettre un pas devant l’autre. Et, symbole de l’écrivain et d’une certaine manière de la conscience humaine qui ne peut se développer qu’à travers la faculté de la mémoire, on comprend à la fin qu’il pourra transmettre ce qu’il a vécu au reste de l’Humanité… dans un retour au départ, dans l’extrême aval, qui nous fait rappeler la notion de l’éternel retour (notion très bien expliquée dans le livre « Nietzche » de Deleuze de nouveau) combinée à une autre notion Nietzschéenne qui est celle de la renaissance. « Tu viens de naître ou quoi ? » sont d’ailleurs les dernières paroles du film… une fin qui ne peut que me rappeler la fin de « 2001 l’odyssée de l’espace » où Dave, après s’être vu mourir, tout comme Sov perd sa raison de vivre en perdant tous ses compagnons, renaît dans ce plan qui est maintenant mythique dans un embryon en orbite autour de la terre. Un retour au point de départ, mais nouveaux, changés, grandis. Tout comme ce livre nous laisse après l’avoir achevé : pas avec de nouvelles connaissances ou des changements radiaux, mais avec une leçon, une vision renouvelée des choses qui ne nous quittera pas.