Avant que vous ne lisiez cette critique je tiens à vous avertir qu'elle contient beaucoup de spoil et qu'elle peut paraître sévère envers le livre, j'ai apprécié l’œuvre dans sa globalité mais je ne vais pas me gêner pour pointer du doigt ses maladresses donc Fanboys ; Passez votre chemin !
Au premier abord le Récit tient plus de la quête scientifico-philosophique que du récit d'aventure classique, le tout dans un décors de fantasy très original, on aime ou pas, personnellement j'accroche moyen au côté quête spirituelle mais l'idée de voyager dans un univers régit par un vent multiforme et impitoyable a piqué ma curiosité.
J'ai donc remonté la ligne de contre avec nos héros sur près de 700 pages afin de découvrir l'origine du vent. Si l'histoire commençait bien elle finit sans surprise et le parcours fut inégal. La plume de l'auteur est tantôt d'une fluidité brillante usant d'un vocabulaire riche et de tournures de phrases complexes pour dérouler le fil de l'histoire tantôt l'encrier se renverse et alors une flaque de niaiseries et concepts spirituels à la noix se déverse sur la page.
Extrait de morale à deux balles (à lire en écoutant Corneille pour se marrer):
En baguenaudant, je tombai sur deux blocs côte à côte qui portaient ce tire : Vivre. Intrigué, je sortis le premier, m'assis sur une marche de l'escalier et je lus :
« Vis chaque instant comme si c'était le dernier. »
Ému et secoué, je le remis à sa place et retirai, vibrant le second de la paroi. A l'écriture, c'était à l'évidence le même auteur :
« Vis chaque instant comme si c'était le premier. »
Je posais le bloc et l'émotion me monta au yeux. Ces deux phrases avais une telle puissance, une telle extension vitale que j'en demeurais absolument ébloui, fauché sur pied...
blablabla encore 10 lignes d'hyperboles sur l'ampleur du choc émotionnel suscité cette phrase
Oui oui, on fait tout un foin pour une phrase que la première connasse en première année de philo te sortirait au milieu de sa première cuite en se sentant des allures de prophètes...
Au moment d'écrire cette critique je me retrouve tiraillé par le sentiment d'avoir perdu mon temps car même si je n'ai jamais eu à me forcer pour satisfaire mon rituel de lire trois à quatre chapitres tout les soirs mon expérience a tout de même été sévèrement entachée par trois gros points noirs :
1. Le livre de 700 pages pourrait en faire aisément 500 que ça ne perturberait pas le récit et améliorerait considérablement sa fluidité pour cela il suffirait d'enlever une grande partie du temps de parole de l'aéromaîtresse qui ne fait que débiter sur la complexité du vif en entrecoupant le tout par de la philo pour ado ce qui ne sert en rien l'histoire . A la rigueur pourquoi ne pas remplacer ces 200 pages par un peu de Background, je serais bien curieux de mieux connaître Aberlaas et Ker Derban ainsi que le passé de nos 23 personnages ça aurait sans doute aidé à s'attacher aux personnages avant leur mort.
2. En dépit de son talent l'auteur n'a pas su équilibrer sa polyphonie de personnage à tel point que certains disparaissent sans laisser de traces on notera par exemple que certaines morts seront carrément élipsées comme celles de Callirhoé et Learch ce qui en dit long sur l'importance de l’événement et l’impact sur le lecteur mais le Champion toute catégorie restera le croc Sveziest qui périra avant même d'avoir ouvert la bouche . Bref 3 personnages ( Sov, Pietro et Oroshi) se partagent les trois-quart du récit et les autres se battent pour les miettes, les morts se succèdent sans émotions ni surprises et sonnent comme un aveu de faiblesse de l'auteur.
3. Une pagination inversée et des symboles pour remplacer le nom des personnages sur le coup ça paraît original mais au final ce ne sont que des gadget pour attirer le lecteur, je m'explique : Pour ce qui est de la pagination inversée elle ne sert qu'à prendre le lecteur pour un con, l'auteur et/ou l'éditeur s'est dit « avec la pagination inversée le lecteur à la fin il va se dire Waaao ils sont trop fort j'avais la fin sous les yeux depuis le début et je l'avais pas remarqué » alors que même sans l'indice n'importe quel lecteur un peu confirmé aura envisagé cette fin comme en étant l'une des plus probable (malgré son manque de créativité flagrant). Pour ce qui est des symboles ils sont complètement inutiles, j'avais espéré en début de livre qu'il y aurait vers la fin du récit quelque chose de vraiment original comme un mot de passe à déchiffrer en utilisant les symboles ou encore un puzzle ou l'on créerait une forme de contre afin d'affronter la 9ème forme du vent et atteindre l'extrême amont mais non les symboles ne sont là que pour symboliser vaguement la personnalité d'un personnage comme l'oméga pour dire que Golgoth est une brute et le point d'interrogation renversé pour dire que l'on ignore la véritable identité de Caracole, bref ça gêne la lecture et même si on a un joli marque page fournit avec le livre ça ne remplace en rien la perte de fluidité induite dans l'aventure.
A cela s'ajoute selon moi une pléthore de petites faiblesses qui si elle ne nuisent pas fondamentalement au récit aurait pu être gommées. Sans trop détailler et de façon non exhaustive je nommerais :
- « La poursuite, puissante mais pas trop » on sait structurer des autochrones, on a des maîtres foudre et on a noyauté toute le
gouvernement mondial mais on est pas foutu d'organiser un assassinat
correctement...
- « La secte du contrevent » marche toute ta vie pour atteindre le paradis et continue même lorsque tu comprendras que ceux qui te l'ont
ordonné t'ont trompé.
- « le duel de rap d'Alticcio » ou le faux coup d'éclat littéraire pas si bien réalisé et rédigé pour les impressionnables.
- « Oroshi laisse les crever » tout le monde doit rencontrer la 9ème forme alors en file indienne et on meure bien sagement !
- « Le suicide est votre ami » on a vu notre mort future, on nous a dit qu'on pouvait prendre des mesures pour changer cet avenir
possible mais bon on va faire tout pareil par ce que la mort c'est
cool...
- « La horde des asociaux » On ne dirais pas que les personnages on vécu 35 ans côte à côte et j'ai la nette impression qu'il se passe
bien plus de choses les quelques années du récit.
Au final je retire un goût doux-amer de cette lecture, une expérience intéressante nuancée par les trop nombreuses défaillances de l'odyssée et l'absence du rire que j'ai l'habitude de trouver dans mes sagas favorites, j'ai vécu un récit original entrecoupé par le sentiment d'avoir vécu un combat de même intensité que les membres de la horde, à la différence que le bullshit pseudophilosophique y seraient mes crivetz et les explications sur le vif de l'aéromaîtresse Oroshi un bon gros furvent. L'auteur a un talent certain pour faire vivre une histoire et même si il n'est pas le meilleur pour l'exercice il lui reste néanmoins le crédit de de réaliser de belles tournures comme peu savent le faire. L'aura de l'auteur et le buzz auront sans doute contribué à la surcote car pour ma part la horde du contrevent est une œuvre respectable mais assurément pas le chef d’œuvre qui m'avait été décrit, à lire une fois mais pas deux.