Annales du Disque-Monde suite…


Délaissons Rincevent, Deuxfleurs et son encombrant bagage pour aborder un nouveau versant de l’œuvre de Terry Pratchett. La Huitième Fille introduit en effet un personnage important du cycle, j’ai nommé Mémé Ciredutemps, sémillante sorcière malgré ses plus de soixante balais.
La maîtresse femme habite à Trou-d’Ucques, village dont le nom est à la mesure de sa situation retirée, au fin fond d’une vallée des montagnes du Bélier. Mémé, pas de chichis et de poudre de Merlin pinpin entre nous, œuvre à la tranquillité d’esprit de la communauté, conjurant le mauvais œil ici, dispensant potions, charmes et prédictions là, tout en accouchant à l’occasion ses concitoyennes. Plus sage-femme que mage-femme, elle vit paisiblement dans une chaumière, loin de l’agitation stérile du monde sur lequel elle jette de temps en temps un œil navré.
La Mort au trousse, le magicien Tambour Billette vient rompre la quiétude des lieux. Comme le veut la tradition, le bougre lègue sans tarder ses pouvoirs au huitième fils du forgeron de Trou-d’Ucques, lui-même huitième fils. Mais voilà, le braillard qui vient de naître, se révèle être une fille. Stupeur ! On s’empresse de cacher le fait et d’oublier le bourdon du magicien dans un coin de l’atelier. Hélas, la magie finit par se rappeler à l’enfant devenue une petite fille de huit ans. Il lui faut immédiatement recevoir une éducation afin d’éviter la catastrophe. Bien sûr, tous les regards se tournent vers Mémé, mais la sorcière ne se sent pas sur ce coup. Elle pressent surtout les embrouilles dans un monde où les préjugés sur les femmes sont chaussés de gros sabots.


Avouons-le d’entrée de jeu, je me suis ennuyé un tantinet en lisant La Huitième Fille. Le sujet de ce troisième volet des « Annales du Disque-Monde » n’est bien entendu pas en cause, je dois même reconnaître que Terry Pratchett fait montre d’une certaine finesse pour aborder la question de l’égalité des sexes. Le roman recèle sur ce point quelques réflexions bien senties, offrant matière à quelques saillies fort drôles. Il permet également d’introduire le personnage récurrent de Mémé Ciredutemps que l’on retrouvera par la suite dans Trois Soeurcières si je ne m’abuse. Pleine de sagesse, mais nourrissant un penchant coupable pour le thé, le sucre et les robes voyantes, Mémé porte sur le monde un regard désabusé. Son ironie latente, sa lucidité et son esprit combattif la propulsent immédiatement en tête des personnages emblématiques du cycle. Elle paraît malheureusement bien seule au milieu d’une distribution bien terne.


Venons-en à ce qui fâche. Je me suis ennuyé ferme une grande partie des aventures de Mémé. Le récit prend en effet son temps pour démarrer, accusant par la suite plusieurs baisses de régime sévères. Mais surtout, l’humour débridé et l’art de la satire pointent aux abonnés absents. Il faut attendre l’arrivée à l’Université Invisible pour que Terry Pratchett retrouve un peu de son mordant et pour que l’histoire regagne de l’intérêt. Hélas, aussitôt arrivé dans les murs de l’institution de magie, l’auteur britannique se perd dans un imbroglio assez convenu, au dénouement de surcroît bâclé.


Bref, Terry Pratchett passe un peu à côté de son sujet. Du coup, La Huitième Fille m’a déçu. Attendons de lire Mortimer pour voir comment évolue le cycle.


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leleul
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le 5 juin 2016

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