Hester Prynne, belle jeune femme débarquée dans la colonie de la future Boston - nous en sommes en 1642 -, est conduite au pilori sur la Place du Marché, sous le regard réprobateur de toute la communauté puritaine. Avilie par son péché - elle porte dans ses bras un nouveau-né illégitime -, son sort est désormais de vivre en marginale, le corsage affublé d'une infamante lettre écarlate, d'un A pour "adultère". Une mère, un bébé... il y a bien quelque part un père ; qui refuse de se faire connaître et qu'Hester ne consent pas à dénoncer.
Dans la société moralement exaltée de la Nouvelle-Angleterre se met ainsi en place un drame poignant concentrant en son noyau une poignée de personnages à l'instar des tragédies antiques. La plume de Nathaniel Hawthorne est net et ciselée ; le roman est court mais dense. Les événements se déroulent comme un ruban de réglisse, amers et noirs.
Au-delà de la fiction aux airs de chronique, "La lettre écarlate" fait également figure de témoignage voire de réhabilitation. Et par la bouche d'un de ses personnages principaux, le Révérend Arthur Dimmesdale, l'auteur désigne à ses contemporains et futurs lecteurs cette vérité aussi universelle qu'aisément bafouée par tout un chacun : "Après avoir épuisé sa vie en se prodiguant pour le bien spirituel de la communauté, il avait voulu faire de sa mort une parabole afin de bien enseigner à ses admirateurs une profonde et triste leçon, de les pénétrer de cette vérité qui veut que, du point de vue de la pureté infinie, nous soyons tous aussi pécheurs les uns que les autres. Il voulait donner à entendre à ses ouailles que le plus saint d'entre nous n'est au-dessus de ses compagnons que dans la mesure où il se fait une idée plus claire de la clémence qui nous regarde de si haut et qu'il dédaigne davantage toute ombre de mérite humain."
Pour le lecteur actuel, je crains toutefois que ce classique soit un peu daté et d'un abord peu séduisant. En effet, la religion dans son rigorisme le plus extrême y est évidemment très présente, étant donné le thème, or la dimension spirituelle et mystique - encore plus s'agissant comme ici des sectes puritaines et quakeresses - gêne très souvent un lecteur qui aura du mal à saisir tous les tenants et aboutissants de cette moralité exacerbée. D'où, certainement, la (trop) grande liberté qu'a prise le réalisateur Roland Joffé dans son adaptation cinématographique de 1996 ; son souhait, visiblement, se porta davantage sur la romance que sur la sociologie, ce que j'appelle personnellement "passer complètement à côté d'une oeuvre".