La Main gauche de la nuit par nostromo
Il y a bien longtemps que j'aurais du lire du Le Guin. Voilà, c'est fait et j'en suis fort content, car elle écrit magnifiquement avec une souplesse d'une grande élégance (je parle de la VO) . Quel beau livre que ce "La main gauche de la nuit" qui nous raconte les aventures d'un Émissaire de l'empire humain sur une planète nouvellement découverte sur laquelle vit une souche androgyne de la diaspora humaine.
Le Guin expose superbement les intrigues politiques et les jeux de pouvoir qui ne manquent pas de s'activer en présence de cet "alien". L'émissaire est confronté à des sociétés politiquement différentes (une monarchie nationaliste d'un côté, un pouvoir bureaucratico-communiste de l'autre, qui plus est en conflit ouvert) , ce qui est en soi intéressant mais surtout il est confronté à l’androgynie de ses hôtes, au milieu desquels sa personnalité sexuée est vécue comme une curiosité un peu perverse.
C'est dans l'étude des conséquences de l’androgynie que Le Guin impressionne. Elle décrit cette société humaine avec un naturel et une compassion étonnante et nous sommes entraînés avec le personnage principal dans la découverte des mœurs et coutumes de gens, qui certes n'ont pas inventé l'avion ,mais ni la guerre non plus.
Les relations amour/ amitié / haine entre les personnages sont mises en valeur comme dans peu de romans de ce genre, je trouve, et Le Guin travaille notre empathie avec ce monde et ses acteurs de main de maître. Je dis empathie, car il s'agit bien d'un thème central de l'oeuvre, où hospitalité , amitié et empathie font un un barrage contre les conditions extrêmement rudes de ce monde glacial (la planète s'appelle Hiver).
Ce qui commence comme un livre un peu politique (le premier contact avec une civilisation) tourne peu à peu en une histoire beaucoup plus intimiste, presque une romance, mais ce d'une manière graduée et subtile qui m'a totalement bluffé. Il est bien question d'un conflit de frontière, Le Guin y bien décrit des camps de travail, des escarmouches meurtrières, la montée inédite du nationalisme sur cette planète, mais ceci reste en fond, derrière les intrigues humaines et les sentiments des protagonistes. Ce coté intimiste de la narration est renforcé par l'alternance de points de vues qui nous met réellement au cœur de leurs réflexions. Ce n'est pas compliqué, mais ça marche très bien, chacun des personnages essayant justement de deviner les pensées de l'autre (très belles notions aussi sur la télépathie comme nouvelle forme de sincérité entre les hommes).
J'aurais mis plus haut mais je ne peux m’empêcher de penser que l'intrigue humaine si intéressante est un peu diluée dans des considérations un peu molles sur les conséquences d'un premier contact. Mais je me rends bien compte que le focus de la romancière était en effet plus "personnel".
Une très bonne lecture, que je recommande.