La Maison
6.6
La Maison

livre de Emma Becker (2019)

Ne dites pas close ou de tolérance mais simplement Maison. Le livre d'Emma Becker aurait pu s'appeler Bordel mais cela n'aurait pas reflété son contenu y compris dans sa deuxième acception, synonyme de foutoir. Dans ce récit immersif, au sein d'un établissement berlinois où elle a donné de sa personne pendant deux ans, l'écrivaine raconte son expérience, la cohabitation heureuse avec les autres filles, les rapports avec les clients mais aussi, quand elle s'élève au-dessus de la mêlée et des échanges de fluides, livre ses pensées sur la place des prostituées dans notre société. Que l'on s'entende, Emma Becker parle de ce qu'elle a connu, d'un endroit sécurisé et professionnel avec des filles de joie (!) volontaires et épanouies et donc fort éloigné de la prostitution de rue ou, si l'on prend un autre extrême, du monde des escorts. L'auteure livre une vision chaleureuse et familiale d'une Maison où la sororité ferait presque oublier les tâches qui s'y accomplissent. Trop angélique, Emma Becker ? En tous cas, elle assume pleinement cette façon de voir les choses. Pour autant, elle ne fait pas l'impasse sur le métier de pute (désolé pour le mot mais il est employé presque à chaque page de La Maison) avec pas mal d'humour et de tendresse, sans occulter le côté glauque de certaines situations. Le naturel d'Emma Becker pour évoquer les relations prostituées/clients est désarmant et elle a parfaitement le droit de penser d'une façon qui est très éloignée de leur image auprès de ceux qui ne connaissent cet univers que de loin, d'après leur culture et leur environnement. Entre récit et essai sur la question, le livre d'Emma Becker manque cependant de structure et ne peut éviter d'être répétitif (dans les scènes de sexe) s'avérant en définitive trop long. Le plus émouvant, clairement, c'est l'hommage rendu à ces femmes qui ont accepté et choisi, ne serait-ce qu'un temps, le plus vieux métier du monde. Elles méritent le respect et le droit à la dignité et qu'on ne les réduisent pas à leur seul métier en oubliant que ce sont êtres de chair, certes, mais aussi de pensées, de sentiments et de désirs. Cela va sans dire, mais cela va mieux en l'écrivant.

Cinephile-doux
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes livres de 2019

Créée

le 3 oct. 2019

Critique lue 984 fois

12 j'aime

Cinephile-doux

Écrit par

Critique lue 984 fois

12

D'autres avis sur La Maison

La Maison
DanyB
8

Avez-vous des fantasmes ?

Passons sur les inévitables polémiques et cris d’orfraie poussés ici et là par les représentants d’associations militantes et autres membres de l’intelligentsia publique, ceux pour qui montrer son...

le 13 juil. 2020

12 j'aime

3

La Maison
Cinephile-doux
6

Filles de joie

Ne dites pas close ou de tolérance mais simplement Maison. Le livre d'Emma Becker aurait pu s'appeler Bordel mais cela n'aurait pas reflété son contenu y compris dans sa deuxième acception, synonyme...

le 3 oct. 2019

12 j'aime

La Maison
Ornano
1

Une fille perdue

Une fille perdue. Il ne s'agit malheureusement pas d'un jugement sur la prostitution, mais une interrogation sur le parcours d'une jeune femme qui a finalement défini sa vie, hier autour de ses...

le 25 sept. 2019

6 j'aime

2

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 28 mai 2022

79 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

79 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

72 j'aime

13