Ne dites pas close ou de tolérance mais simplement Maison. Le livre d'Emma Becker aurait pu s'appeler Bordel mais cela n'aurait pas reflété son contenu y compris dans sa deuxième acception, synonyme de foutoir. Dans ce récit immersif, au sein d'un établissement berlinois où elle a donné de sa personne pendant deux ans, l'écrivaine raconte son expérience, la cohabitation heureuse avec les autres filles, les rapports avec les clients mais aussi, quand elle s'élève au-dessus de la mêlée et des échanges de fluides, livre ses pensées sur la place des prostituées dans notre société. Que l'on s'entende, Emma Becker parle de ce qu'elle a connu, d'un endroit sécurisé et professionnel avec des filles de joie (!) volontaires et épanouies et donc fort éloigné de la prostitution de rue ou, si l'on prend un autre extrême, du monde des escorts. L'auteure livre une vision chaleureuse et familiale d'une Maison où la sororité ferait presque oublier les tâches qui s'y accomplissent. Trop angélique, Emma Becker ? En tous cas, elle assume pleinement cette façon de voir les choses. Pour autant, elle ne fait pas l'impasse sur le métier de pute (désolé pour le mot mais il est employé presque à chaque page de La Maison) avec pas mal d'humour et de tendresse, sans occulter le côté glauque de certaines situations. Le naturel d'Emma Becker pour évoquer les relations prostituées/clients est désarmant et elle a parfaitement le droit de penser d'une façon qui est très éloignée de leur image auprès de ceux qui ne connaissent cet univers que de loin, d'après leur culture et leur environnement. Entre récit et essai sur la question, le livre d'Emma Becker manque cependant de structure et ne peut éviter d'être répétitif (dans les scènes de sexe) s'avérant en définitive trop long. Le plus émouvant, clairement, c'est l'hommage rendu à ces femmes qui ont accepté et choisi, ne serait-ce qu'un temps, le plus vieux métier du monde. Elles méritent le respect et le droit à la dignité et qu'on ne les réduisent pas à leur seul métier en oubliant que ce sont êtres de chair, certes, mais aussi de pensées, de sentiments et de désirs. Cela va sans dire, mais cela va mieux en l'écrivant.