Je pense que c’est important de lire des voix qui pensent différemment de nous, au mieux pour nuancer notre pensée, au fin du fin pour se dire que vraiment on a radicalement raison (ne nous mentons pas).
J’ai vraiment détesté lire La Maison, déjà parce que je ne partage pas la vision romantique de la prostitution d’Emma Becker. Aussi et surtout parce que toutes ses tentatives pour être drôle et sensuelle n’ont créé qu’un profond dégout en moi.
Libre à elle de s’épanouir dans le sexe décomplexé et pornographique, de fantasmer sous le regard concupiscent des hommes dans le RER et de payer une « esclave » sexuelle à son copain. J’étais prête à lire le récit d’une femme qui trouve son bonheur dans la prostitution.
Ça aurait pu être "intéressant" honnêtement, et je voulais lire ce livre (car probablement qu'il en existe, des femmes pour qui vendre leurs prestations sexuelles est un choix), mais là on est dans le fantasme pur, et la romantisation de situations sordides.
il y a d'ailleurs un passage ô combien révélateur, où elle dit être peinée car elle fait relire des chapitres de son roman qu'elle trouve cocasses à une amie, et son amie trouve ça super glauque.
Elle se dit qu'elle a raté son effet, que c'était une situation drôle et qu’elle n’a pas su la retranscrire. Je pense surtout que ça révèle à quel point ce qu'elle trouve drôle voir sensuel est en fait sordide, que ce roman est plus un portrait psychologique d’elle-même qu’une réflexion argumentée sur la prostitution légalisée.
Emma suinte le désir de plaire, de faire bander, d’être validée, d’exister à travers les yeux du moindre homme libidineux.
L’écriture est parfois très travaillée, ces réflexions s’étendent sur des dizaines de pages mais elles n’ont pas vraiment de liant, c’est une longue divagation sur sa condition de paumée accro à l’effet qu’elle fait aux hommes.
La Maison est une romantisation insupportable de la prostitution. Un roman porno qui a eu le prix des Etudiants, ce qui me laisse personnellement désemparée sur la soit disant révolution féministe actuelle.
Emma tente à longueur de pages mêlant envolées lyriques et vulgarités, de nous faire croire qu’être p*te (car c’est le terme qu’elle utilise) serait la quintessence de la féminité. On croit rêver.
En tant que féministe, comment souscrire à cette vision horrifique ?
Son mâle gaze permanent m’a donné des hauts le coeur. Quant à dire que c’est un roman tendre sur les prostituées de bordel… pas si sûr… J’y lis beaucoup de fascination, d’objectivation, d’essentialisation de la fâmme dans son but « le plus noble » : être un fourreau pour les hommes.
La sororité dans ce bordel existe, mais avais-je besoin de ce type de récit pour savoir au plus profond de moi que la solidarité entre femmes exploitées dans un exercice harassant et déshumanisant, existait nécessairement ?
Dans un des chapitres final, Emma s’imagine en homme, comme le parfait client de bordel, scrutant l’anatomie de ces femmes, les faisant jouir malgré l’abandon de soi qu’elles se refusent en temps normal. La boucle est bouclée, cette énième divagation résume parfaitement pourquoi la nausée me prend. Emma Becker porte un regard d’homme, dénué d’empathie, persuadée qu’il est aussi simple de faire 10 passes par jour que servir 50 clients à la caisse de Lidl, et que lui seul sera LE client qui rendra accro la p*te qui le sert. Abject.