Christian Dedet (l'auteur) a rencontré Jean Michonet (le narrateur) en Afrique et la rencontre a été heureuse.
Jean Michonet est un métis, né d'un père français et d'une mère gabonaise dans les années 1920. Il racontera sa vie sous la plume de Christian Dedet.
Sans parents à l'âge de 14 ans, il commencera sa vie au fin fond de la forêt gabonaise à aller recruter des travailleurs pour d'autres français qui ont besoin de main d'oeuvre bon marché. Il sera également forestier, conduira des bateaux pour transporter hommes et marchandises et sera aussi négociateur de peaux de crocodiles.
Si l'on passe le fait qu'il a eu des métiers aujourd'hui condamnés favorisant l'exploitation des individus, profitant de leur crédulité, déforestant des forêts sans préoccupation écologique, tuant massivement des espèces aujourd'hui protégées, Michonet est le témoin d'une époque, celle de pays de l'Afrique tropicale et de leur évolution.
Métis, coincé entre deux cultures (ou profitant des deux cultures), il a a été de ces français qui ont su prendre part à cette Afrique étrangère et sous contrôle occidental. Il aura un enfant d'une gabonaise (le destin de cet enfant sera d'ailleurs symptomatique des différences culturelles entre la culture magique de la tribu de la mère et celle scientifique du soin occidental). Il épousera ensuite une métropolitaine qui finira par se lasser de la forêt. Il sera initié au bwiti, sorte de société secrète et magique masculine et fréquentera les entrepreneurs français. En fait, Michonet, de par sa double appartenance culturelle est le témoin privilégié pour nous transmettre ce pays qui passera au cours du XXè siècle de la colonisation à l'indépendance.
Michonet est au cœur de l'exploitation et de la transformation du Gabon. Il en sera témoin et acteur. Il connaîtra le Dr Schweitzer et de son hôpital à Ogooué. Il soignera la lèpre dans un dispensaire. Il sera confronté à l'horrible normalité des pratiques anthropophages des tribus reculées (Fang), rencontrera des missionnaires ayant pour mission (entre autres) de leur faire abandonner cette pratique. Ce sera aussi l'occasion de raconter un quotidien qui nous fera écarquiller les yeux tant les différences culturelles sont importantes et tant la forêt équatoriale nous est étrangère. Le fleuve sera la voie de communication qu'il empruntera toujours, le bateau (pinasse, puis bateau à moteur en métal) sera toujours son mode de déplacement.
La langue de Dedet est vivante, et narre agréablement la vie de Michonet, témoin et acteur d'une Afrique sauvage en transition.