Comment as-tu pu me tirer les larmes ? moi qui n'avais jamais pleuré sur un seul livre ! Il est vrai que ce bon vieux docteur Asimov avait bien failli me faire craquer avec "L'Homme Bicentenaire", l'une des meilleures nouvelles de science-fiction selon moi, mais avec La Ménagerie de Papier, je dois bien avouer que j'ai eu mes moments de faiblesse... Franchement, Ken, je te retiens !

19 nouvelles, 19 merveilles... De la science-fiction, un morceau de fantastique, une pincée de fantasy, et même un soupçon de thriller... Ce recueil nous emporte dans ce que la littérature de l'imaginaire peut nous offrir de plus beau, de plus surprenant, de plus bouleversant, un véritable tourbillon d'émotions... Peut-être suis-je un peu trop dithyrambique aux goûts de certains, mais que voulez-vous, je l'ai ressenti comme tel...

On retrouve dans cet ouvrage de nombreux thèmes populaires propres à la science-fiction, comme l'invasion extra-terrestre, l'intelligence artificielle, ou encore les voyages interstellaires. Mais ces différents champs servent ici de supports pour véhiculer des thématiques transversales beaucoup plus terre à terre :
- la communication sous toutes ses formes et dans tous ses états, aussi bien avec les autres qu'avec soi-même, et dans ses difficultés aussi,
- le temps, comme agent vieillissant mais aussi transformant, souvent mis en relation avec le premier point par le biais du thème récurrent de la mémoire et des souvenirs,
- et enfin l'amour et les sentiments, abordés ici avec élégance, sincérité et authenticité, évitant ainsi toute mièvrerie.

Outre la nouvelle qui donne son nom au recueil, encensée très justement par la critique et par les lecteurs, "La Forme de la Pensée" symbolise elle aussi pleinement ces différentes thématiques chères à l'auteur, et constitue à mes yeux l'histoire la plus aboutie et la plus touchante de toutes celles présentées dans cette compilation. Il y est question d'une rencontre entre l'équipage d'un vaisseau terrien et les autochtones d'une planète lointaine. L'histoire s'articule principalement autour de l'extrême difficulté à communiquer avec cette race extra-terrestre, de par sa curieuse façon de percevoir et de retranscrire son environnement, un peu comme lorsqu'un occidental apprend une langue asiatique, me direz-vous peut-être. Sauf qu'ici, la chose est poussée beaucoup plus loin... Sans trop spoiler, nous suivons l'une des membres de l'équipage à différents moments de sa vie, qui a reçu pour mission dès son enfance de constituer un pont entre les deux peuples par l'intermédiaire d'un autochtone du même âge apparent qu'elle, en tentant de comprendre son langage extrêmement complexe des signes. La jeune fille va se lier d'amitié, et sans doute bien plus, avec cet être capable d'exprimer par une infinité de signes l'infinité des nuances de la nature, un prodige bien au-delà des capacités du cerveau humain, puisque celui-ci doit compartimenter ces nuances pour saisir le monde qui l'entoure. De plus, ces êtres ont une aptitude qui peut en faire rêver plus d'un, à savoir la possibilité de partager des émotions par un simple contact physique, en d'autres termes l'empathie parfaite, et toute la paix qui peut en découler au sein d'un peuple... Sachez à partir de là que toutes les nouvelles de ce recueil sont d'un acabit similaire, à 2 ou 3 exceptions près qui sortent vraiment de nulle part.

La Ménagerie de Papier aura été ma première expérience littéraire en compagnie de cet auteur talentueux, et ce ne sera certainement pas la dernière ! Une précision cependant : cet ouvrage demande beaucoup à ses lecteurs, dans le sens où ses histoires peuvent se révéler parfois difficiles à appréhender. Elles nous invitent en effet à penser non seulement avec la tête, mais dans un même temps aussi avec la poitrine : l'intellect doit côtoyer l'empathie, à un niveau souvent élevé. Mais qu'importe, c'est ça qui est bon finalement, même si cela n'est pas chose aisée (j'ai moi-même dû accepter l'idée d'étaler leur lecture sur 2 mois environ pour tenter de comprendre le plus intensément possible). Cela explique par ailleurs le fait que certaines de ces nouvelles puissent marquer plus que d'autres et/ou différemment, selon notre habitude dominante de réflexion et de compréhension.

Enfin, j'ajouterais que ce livre peut faire penser à bien des égards à La Tour De Babylone de Ted Chiang, autre recueil de nouvelles particulièrement abouti, et qui appelle lui aussi ses lecteurs à sortir un peu de leur zone de confort. Décidément, ces chinois naturalisés américains nous régalent d'une science-fiction contemporaine riche, parfois vertigineuse, mais tout à fait plaisante à lire. Moi j'en redemande !

AlekD
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le 29 juil. 2022

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AlekD

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