Sur une Mer sans Etoiles on Navigue Sans Sextant...

Sur Courant Alternatif - Par son ambition et sa structure exigeante, "La Mer sans Etoiles" est un roman complexe, qui procure un ressenti de lecture fortement contrasté.

Le spectre de cet objet littéraire déroutant oscille entre la pelote charmante qui déroule fils narratifs, contes étranges, décors baroques, univers bizarres, symbolique foisonnante et un fatras touffu d'histoires décousues, de digressions indigestes, de fables emberlificotées, de faux indices et de symboles stériles qui éprouvent patience et endurance chez le lecteur.

Sans Boussole, ni Equipage - En creusant dans les entrailles de la terre, un sanctuaire sophistiqué et mystérieux à destination des chagrinés de la vie qui, comme son personnage principal Zachary Ezra Rawlins, trouvent refuge et consolation auprès des livres, Morgenstern a sans doute voulu composer une ode grandiose à la vertu salvatrice des livres et à l'art de raconter des histoires.

Mais hélas, trop occupée à l'architecture et au modelage de son univers onirique, elle a gravement négligé deux éléments constitutifs essentiels à toute narration: façonner des personnages incarnés, dignes d'intérêt et d'identification et donner un sens aux ressorts qui semblent à l'oeuvre dans son histoire.

Or, on quitte cette "Mer Sans Etoiles" étourdi par la flamboyance de l'imaginaire traversé - mer de miel et de confettis, cavernes de crystal, grottes de cerisiers en fleurs, auberge mystérieuse battue par les vents - un petit bijou -, amoureux perdus dans les replis du temps - , mais le coeur sec de tout attachement aux protagnistes et surtout, échoué sur le rivage sans l'ombre d'une réponse ou d'une clé de compréhension.

Alors qu'elle se présente comme un labyrinthe élaboré de jeu de pistes, d'énigmes à tiroirs, de sociétés secrètes et de forces malfaisantes "La Mer sans Etoiles" ne mène en réalité nulle part.

C'est un roman à la fois trop brut et trop abondant qui eût grandement tirer profit d'une taille vigoureuse et d'un polissage éditorial digne de ce nom.

A mi-lecture, j'ai renoncé à tenter de faire sens. J'ai profité du paysage sans plus me soucier de la destination. Bien m'en a pris car c'est la seule manière d'aborder cette lecture si on veut la mener à son terme.

Magic Realism vs. Fantasy - J'ai beau savoir qu'il est illusoire de reporter sur le cadet, les attentes suscitées par l'aîné, c'est pourtant pour réitérer l'expérience d'enchantement de "The Night Circus" ("Le Cirque des Rêves") que j'ai plongé dans "La Mer sans Etoiles".

Si la prose de Morgenstern est toujours aussi remarquable, elle opère avec sa "Mer sans Etoiles" un virage décisif vers le genre Fantasy. Elle a clairement opté pour un ratio monde magique/monde réel largement au profit du premier. Et moi qui me suis fait un tour de rein à force de ramasser le premier "Harry Potter" et qui m'endors comme une bienheureuse devant "Le Seigneur des Anneaux", je n'ai pas particulièrement goûter ce changement de cap. Autant je suis friande de magie comme tricherie vertueuse, utilisée pour distendre le cadre du réel et pour que s'y engouffre des possibilités narratives plus amples et plus réjouissantes, autant le fantastique plein pot et les mondes totalement imaginaires m'ennuient à une vitesse prodigieuse.

Conclusion - "La Mer sans Etoiles" vous ravira si vous êtes amateur de Fantasy et si vous consentez à vous laisser dériver sans attendre de grand dénouement final.

Si ce n'est pas le cas, je suggère davantage la visite du "Cirque des Rêves".

Bonne lecture,

Amitiés,

Dustinette