Mais comment aller au boulot transformé en un monstrueux insecte !?

La première fois que j'ai lu La Métamorphose de Kafka, je n'étais encore qu'un simple lycéen, éperdument effaré par la potentielle vie procédurale que me réservait le futur. Peut-être bien d'ailleurs que ce destin est toujours en suspens, attendant la moindre faille pour me bondir dessus. Quoi qu'il en soit, ce livre fut pour moi un véritable créateur de cauchemars. Non pas que la monstruosité soit effrayante, loin de là, elle est avant tout humaine, mais l'absurdité de la situation semblait si venimeuse à cette époque. Aujourd'hui, ma lecture semble si différente, teintée d'une maturité aussi mélancolique que sordide.

"Lorsque Gregor Samsa s'éveilla au matin, au sortir de rêves agités, il se trouva dans son lit métamorphosé, en un monstrueux insecte". A l'époque, je ne me souviens pas avoir été particulièrement étonné par les premières phrases du livre. Pourtant, elles sont probablement les plus importantes. Alors que Gregor se retrouve transformé en un montre autant hideux que étrange, sa première réaction sera celle d'un homme perturbé par les complications que cette métamorphose pourrait apporter. Loin de se sentir effrayé, le personnage ne souhaite qu'aller au travail, car après tout, s'il ne le fait pas, comment pourrait-il entretenir sa famille. Cette lecture que j'en avais faite, c'était celle d'un homme enchainé à ses habitudes, confirmant mes plus grandes peurs sur le monde du travail, créateur d'aliénations.

Lorsque Gregor montre une absence de réaction à sa situation, peut être est-ce en réalité qu'il ne voit pas réellement de différence entre son apparence au matin et celle de la journée précédente. L'homme a finis par incarner physiquement ce qu'il a toujours penser être, un individu difforme, isolé, absurde et dont la vie est dénué de sens dans un monde où son seul objectif est d'aller au travail. Si le travail de Kafka est la représentation même de sa vie, c'est qu'il a toujours été hanté par la mise à l'écart de son père, par ce travail aux assurances qu'il déteste tant mais aussi par ces nuits d'insomnies qui le poussent à écrire ses maux de cœurs.

Aujourd'hui, ma vision de Kafka est changée, elle est celle d'un homme capable de comprendre les travers derrière la simple lecture, et en y repensant, je ne saurais dire qu'elle vision est la plus effrayante. Celle d'une jeune torturé par le futur, ou celle d'un homme hanté par sa propre représentation personnelle.