Dans ce court essai de Kropotkine sur la morale anarchiste, l'auteur expose avec toujours autant de pertinence l'optimisme de l'action et la joie de lutter contre ce qui nous semble intimement injuste en tant qu'être humain. Naturellement, ce livre traverse aisément les époques et fait beaucoup de bien à lire par les temps qui courent ; se révolter, c'est vivre pleinement sa vie. Le pied de nez fait à ceux qui, par désespoir, mettent sur le même plan tous les actes ("bons" comme "mauvais", puisque rien ne serait important) est savoureux et bien envoyé. A son habitude, le style est simple à lire, c'est concis et percutant.
J'aurais simplement aimé une meilleure explication des rouages de son anticarcéralité, car le sujet m'a paru évoqué de manière un peu naïve ; le sujet étant déjà, d'habituelle, rarement abordé en profondeur chez les théoriciens et penseurs anarchistes. Agir selon son idéal ou des idéaux communs, c'est bien, mais lorsque ces idéaux se heurtent à la complexité du monde actuel, comment contourner et résoudre la question des prisons, qui est pourtant essentielle ? Ici, cela m'a semblé simpliste, car Kropotkine se contente de penser qu'il suffit de donner les clefs aux individus dès leur plus jeune âge pour éviter la formation du criminel, du voleur, etc. Sur cette question, Gwenola Ricordeau apportera peut-être des réponses plus concrètes, à voir.
Je n'ai pas non plus apprécié l'usage du terme essentialiste "nature humaine" ; une perspective déterministe aurait été plus intéressante sur ce point de vue là. Il donne l'impression d'une vision de morale encore trop empreinte de christianisme.
Quoi qu'il en soit, c'est d'actualité, en avance sur son temps, ca redonne espoir, et les mots sont bien posés sur des réflexions qu'on a tous pu avoir. Le livre reste intéressant et digeste.