Ivan Illitch va mourir, il semble être le seul à en avoir la certitude, ou peut-être médecins et famille jouent-ils la grande comédie, pour ne pas se confronter à cette période terriblement désagréable. Tolstoï s’attaque à la Mort qui approche, aux dernières pensées angoissées ou exaltées du mourant, qui fait le point sur sa vie, se désespère puis reprend courage, se noie en se débattant dans le grand néant qui inéluctablement s’approche. Il y a une fascination dans mon intérêt pour ce court roman, nul n’a pu témoigner a posteriori de cette étape mystérieuse et inouïe, ce Passage vers un ailleurs qu’on espère ou qu’on craint.
Il y’a de très belle pages sur les errances existentielles de Ivan Illitch, mais j’aurai aimé qu’elles prennent plus de place, que le propos soit étoffé et déployé plus longuement, tant la plume de Tolstoï est poignante. J’ai eu un goût de trop peu : la structure narrative sous forme de flash-back complique inutilement le récit, et j’aurai préféré un déploiement narratif autour de l’agonie (yeah) plutôt qu’autour de sa brillante carrière (la belle plume de Tolstoï était capable de dresser le contexte en quelques courts paragraphes bien sentis). J’ai eu l’impression de rater quelques marches dans le crescendo vers l’agonie, même si je suis quand même admirative des quelques passages lyriques où Ivan contemple l’inéluctabilité de sa propre fin. C’est donc une belle évocation sur les derniers instants d’un mourant, du point de vue de sa subjectivité : ce n'est pas la Mort, c'est la mort d'Ivan Illitch, et ça change tout. Une lecture douce et angoissante que j’aurai aimé plus resserrée et philosophique encore !