Pas rasoir
"La moustache" est un roman très agréable à lire, tant le style de l'auteur est fluide et l'histoire prenante, malgré un sujet pour le moins incongru et surréaliste. Carrère flirte habilement avec...
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le 26 janv. 2011
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Je suis très admirative de l'oeuvre d''Emmanuel Carrère au point que je me demande parfois si je suis capable d'objectivité à son égard, il faudra donc me pardonner d'avance. J'achète ses livres sans même savoir de quoi il s'agit (Le Royaume, Liminov, Il est avantageux d'avoir où aller) ce qui n'est pas dans mes habitudes. La Moustache est l'un des rares de ses ouvrages que je n'avais pas encore lu car j'avais déjà vu le film (sans je pense savoir à l'époque qu'il était tiré de l'un de ses livres). J'attendais donc d'avoir suffisamment oublié l'intrigue pour aborder le roman.
La prouesse narrative de cette histoire repose, à mon sens, sur un contraste fort entre un point de départ relativement anodin, un homme - qui n'est d'ailleurs jamais prénommé - se rase la moustache et personne dans son entourage, femme, amis ou collègues ne semble l'avoir remarqué. Une spirale paranoïaque et délirante s'enclenche en conséquence, s'accélère et s'aggrave aux fil des pages. On a le sentiment constant qu'un voile ne va tarder à se lever, que l'espace temps va pivoter d'un cran ou qu'une nouvelle perspective, que l'auteur avait jusque-là habilement dissimulée, va venir dénouer l'intrigue et remettre un ordre tout cartésien, rassurant, dans cette course en avant anxiogène. Contrairement à ce que j'ai lu dans une autre critique, je n'ai pas trouvé la fin bâclée du tout, je l'ai trouvée au contraire choquante et juste. Comme toutes les fins réussies, elle jette rétrospectivement sur les 181 pages qui ont précédé une lumière nouvelle, crue et terrible.
Si la première partie campe avec habileté les éléments de base du dilemme donnant l'impression dérangeante que la focale se rétrécit et que le personnage principal s'enlise toujours un peu plus - même si sa quête de preuves touche parfois aux limites de la vraisemblance -, j'ai préféré la seconde partie. Elle introduit une forme de poésie et infuse dans une folie plus douce, un petit peu à la mode d'un Nicolas Bouvier dans le merveilleux Poisson-Scorpion.
La Moustache est un très bon roman, bien construit, agréable à lire, surprenant et dérangeant à la fois, idéal pour un long WE.
Merci de m'avoir lue. Amitiés. Julie
Créée
le 3 déc. 2017
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