C'est un roman d'une longueur honorable qui a le défaut majeur de ne reposer que sur un unique personnage, la protagoniste, cette fille qui se croit sauvage, faisant de tous les autres de grossiers figurants placés sur les bonnes pages au bon moment. Voilà qui est dommage et dommageable, puisque si le lecteur n'est pas charmé par le caractère particulier de Kya (les mouettes ne crient-elles pas « kya kya ! », d'ailleurs ?), il ne peut s'attacher à rien d'autre. Même les descriptions de la nature sont fades, trop redondantes pour être spéciales (des expressions reviennent à quelques paragraphes d'intervalle, aussi repérables que « piaillant et criaillant ») ; pourtant je les aime, les oiseaux ! je l'aime, l'eau ! Mais ils sont là sans être vraiment là, mis au service des caprices du personnage féminin, oubliant leur propre humeur, bien plus féroce.
L'hybridité du roman, elle, n'est pas sans rappeler celle de Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, de Harper Lee : tout à la fois récit d'enfance et histoire de meurtre, révolte contre les préjugés et procès... Même Kya semble être née de la fusion de Scout et Boo. Il y a toutefois dans le livre de Delia Owens l'ajout de la poésie (des poèmes très courts — et assez mauvais, il faut le dire — sont insérés çà et là) et la destruction de la linéarité, deux procédés qui ne jouent pas en sa faveur : il faut croire assez peu en la force de son récit pour tout miser sur le suspense du crime dans un roman qui ne se veut pas un thriller... Il y a du reste une révélation finale, terriblement évidente, qui déçoit parce qu'elle était attendue, qui aurait déçu encore plus si elle avait été différente de celle attendue.