Longue métaphore des hommes face à leurs responsabilités, ce récit mosaïque décrit avec une précision médicale (ou journalistique) l'évolution d'une épidémie meurtrière plongeant une ville et ses habitants dans la peur et, plus encore, le doute existentiel. Ce monde sans femmes est aussi un monde de courage et de grandeur où se révéleront tels qu'ils sont vraiment tous ces hommes.
Malgré la puissance de son message, le roman souffre de sa plus grande qualité : la dimension symbolique prend le pas sur la dimension littérale. Les situations perdent de leur puissance émotionnelle pour n'apparaître que comme des paraboles et les personnages de leurs nuances pour n'être que des archétypes humanistes.
Conscient de cette limite, Camus a installé un bémol à cette mécanique bien huilée en y installant l'absurdité absolue : la mort de l'innocent et du juste (dont on ne révélera pas les noms ici). Ces deux scènes en miroir deviennent ainsi les plus fortes du récit, donnant de la chair à un récit qui n'aurait pu être qu'idée.