La littérature du XXe n'a pas énormément de cathédrales, d'intouchables, comparées à celle du XIXe siècle par exemple. Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry et Albert Camus... oui, Albert Camus tout court, tout le packaging. Il est sans conteste l'auteur du XXe siècle, avec Marcel Proust (oui pour Proust, il n'est pas interdit de dire qu'il est chiant ; ce que ne pense pas personnellement votre serviteur s'il excepte quelques très longs passages du Côté de Guermantes !), le plus étudié, le plus analysé, le plus cité.
Il était très intelligent ; certaines de ses réflexions étaient d'une pertinence, d'une lucidité et d'une profondeur flamboyantes ; il avait souvent raison avant tout le monde ; il était la parfaite combinaison entre le bon copain avec qui on a envie de boire une bière et de discuter football et l'intellectuel qui est bien au-dessous de nous au sommet d'une montagne absolument inaccessible ; il était beau, il avait un charisme de gros malade (on n'est guère aussi qu'il était un véritable aimant à femmes !). Il est le parfait exemple d'un artiste qui a connu une gloire immense de son vivant, qui en connaît une encore plus immense après sa mort, on ne peut pas le critiquer négativement, c'est une cathédrale.
Cette longue et interminable introduction pour dire que je vais tout de même me montrer critique avec lui, enfin avec une de ses œuvres, à savoir La Peste évidemment.
De Camus, je n'ai pas lu grand chose à part L'Etranger, que j'avais lu d'une traite et que j'avais beaucoup aimé. Ne me demandez pas d'en faire une critique, c'est trop loin, même si j'en ai quelques souvenirs marquants, et puis à l'époque je m’embarrassais pas d'analyse littéraire et de trucs de ce genre-là ; je lisais, j'aimais ou je n'aimais pas, ça me marquait ou ça me marquait pas, point barre.
Mais bon entrons (enfin !) dans le vif du sujet, La Peste. Je vais commettre un sacrilège non pas en descendant totalement le roman. Pire encore, je vais me contenter de me montrer mitigé.
Oui, j'ai dit au début que le monsieur était très intelligent et que certaines de ses réflexions étaient d'une pertinence, d'une lucidité et d'une profondeur flamboyantes ; et cela se retrouve dans ce roman.
Il est des heures dans l'histoire où celui qui ose dire que 2 et 2
font 4 est puni de mort.
J'ai bien aimé aussi ses descriptions du quotidien de la ville d'Oran et de ses habitants, des réactions de ces derniers face au fléau s'abattant sur eux. Il y a une vérité dedans (inspiré certainement par l'Occupation dont ce livre, selon notamment l'auteur lui-même, est une allégorie !).
Mais je n'ai pas pu m'empêcher de trouver artificiels, tout d'abord le ton qui se veut objectif, distancié, mais sans omettre les éclairs d'humaniste, ensuite la description psychologique de certains personnages principaux, trop appuyés pour que l'on comprenne bien que celui-ci est tel type de personnage lors de l'Occupation (voir la page Wikipédia du livre !) ; et tout cela, au détriment d'une certaine authenticité, que l'on retrouve tout de même comme dit précédemment lors des descriptions des réactions des habitants, de tous ces anonymes, et d'une certaine émotion.
Evidemment que ce n'est que mon pauvre avis bien subjectif qui parait bien minuscule, bien riquiqui, par rapport à la cathédrale Camus. Allez une de ses superbes citations pour finir sur une touche positive :
Non, mon père, dit-il, je me fais une autre idée de l'amour. Et je
refuserai jusqu'à la mort d'aimer cette création où des enfants sont
torturés.