Rougir, c'est mourir

Ce récit d'anticipation peu connu vient d'entrer dans les lectures recommandées au collège, probablement parce qu'il relate, par une analepse qui met du temps à s'enclencher, la propagation d'une maladie mystérieuse et dangereuse, n'épargnant personne — ce que la jeunesse actuelle peut facilement mettre en parallèle avec les événements vécus au début des années 2020. Le récit de Jack London, traduit avec maladresse en français, écarte cependant bien vite la perspective d'un remède en faisant de sa peste une infection si fulgurante qu'elle empêche la curation (puisque les scientifiques meurent trop vite). Cette exagération du mal, qui peut tuer dix minutes après l'apparition des premiers symptômes, que sont une figure écarlate et une paralysie progressive du bas du corps, est l'un des éléments les plus fâcheux du livre, au coude à coude avec le peu d'attachement que le lecteur peut ressentir pour les personnages, notamment pour le vieillard qui raconte la pandémie. L'histoire a tout de même le mérite de montrer la vitesse à laquelle l'individu se détache de son humanité quand sa survie entre en jeu ; certaines des scènes décrites rappellent d'ailleurs des épisodes de The Walking Dead : on abandonne derrière soi les proches contaminés, on abat même des bien-portants s'ils deviennent menace ou s'ils ont des possessions convoitées. Mais London exagère encore et toujours en anéantissant tout à fait la civilisation moderne en seulement soixante années fictives : les personnages nés en 2073 ne parlent déjà même plus la même langue que ceux qui ont connu l'horreur en 2013. Cette absurdité, comme le manque d’anticipation technique de l'auteur (le télégramme est pour lui toujours usité), m'ennuie beaucoup.