Tout à son ouvrage, La Petite Bonne côtoie Maître et Maitresse, sans qu’ils n’aient à se parler. Pourtant, quand sa Maîtresse prend un week-end de liberté, lui laissant le soin de son époux, mutilé de guerre, l’équilibre se rompt, les frontières s’effacent pour ne laisser que deux êtres humains, blessés dans leur corps et leur âme, dans une relation qui ne se soucie pas des classes sociales et ne fait appel qu’à notre humanité.
Ce huis clos intimiste entre la petite bonne et son Maître, gueule cassée de la Grande Guerre, m’a séduit par la forme originale du récit qui alterne prose et vers libres pour structurer les différents points de vue. Au cœur des mots, les silences sont lourds de sens et viennent exprimer les secrets et les non-dits. De leurs échanges, l’émotion palpable vient questionner notre rapport à la vie et à la mort, et attire notre attention sur la capacité des hommes, et surtout des femmes, à faire preuve d’abnégation pour affronter les drames.
Car si Bérénice Pichat donne la parole aux oubliés, héros de guerre ou petites mains domestiques, elle fait aussi parler les corps pour dire la douleur, la peur et la violence. Son histoire interroge les rapports humains et la manière dont les soins peuvent contribuer à redonner espoir. Mais elle montre aussi le combat des femmes pour surmonter les violences, soumises, résignées, et déterminées à vivre et à choisir leur destinée.
Ce n’est pas le coup de cœur espéré mais La Petite Bonne m’a clairement secoué et ne m’a guère laissé d’autre choix que de ménager des pauses dans la lecture pour ne pas me laisser submerger.