Comme j’aime la littérature… Elle témoigne de ce que l’humain peut avoir de plus beau. Elle combat, témoigne du passé, rend supportable la beauté comme l’horreur, ressuscite les morts et permet ce qu’il y a de plus miraculeux : l’empathie absolue; sur ce dernier point, seul l’amour lui fait concurrence.

Philippe Jaenada réussit cette prouesse dans un livre fleuve : La petite femelle. Sans gros moyens, avec un style parlé extrêmement fluide ( mais qui, je peux le comprendre, peut agacer), il donne un tombeau à celle qui demandera à être enterrée sous ne dalle sans inscription, sans aucun signe et dont les ossements disparaîtront sous les gravats lors de la rénovation du cimetière qu’elle a choisi pour se dissoudre.

Avec beaucoup de respect, prenant garde en permanence à ne pas extrapoler tout en nous faisant partager son travail littéraire qu’il veut le plus honnête possible, Jaenada retrace la vie de Pauline Dubuisson, étudiante en médecine à Paris accusée d’avoir assassiné son ex amant.

Je laisse le futur lecteur suivre par lui-même les méandres de cette vie tout au long des 700 pages du récit. Une vie qui semble banale mais qui prendra vite les dimensions de la condition féminine pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Une vie où il ne fait pas bon vouloir être libre, où il est mal vu de sortir du schéma féminin fixé par la société. Une vie gâchée, tristement sacrifiée par des hommes et des femmes qui la jugeront sur des apparences non conformes. Les nombreuses pages consacrées au procès de Pauline Dubuisson sont l’illustration terrible qu’il n’existe peut-être pas de justice en-dehors des préjugés et qu’elle est bien incapable de comprendre et d’absoudre les coupables que la société a décidé d’éliminer parce qu’elle les a elle-même crées.

Comme dans l’Etranger de Camus, la coupable sera condamnée pour de mauvaises raisons. Meursault sera exécuté non pas pour son crime mais pour son inaptitude à être un homme, Pauline sera condamnée à voir peu à peu la femme mourir en elle. Son procès sera surtout celui de La Femme.

Il faut saluer l’immense travail de documentation de Jaenada, c’est certain, mais il n’y a pas de merci assez grand pour cette entreprise merveilleuse proprement littéraire : redonner son honneur à une femme sacrifiée.

jaklin
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le 23 juil. 2023

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