Finalement, il y a peu de livres témoignages sur la guerre de 14-18 ; c'est étonnant, ou alors c'était tellement au-delà des mots que peu de ceux qui ont vécu cette boucherie inutile les ont trouvé. J'ai grandi en Lorraine, et je me souviens de ces champs qui des dizaines d'années ensuite portent encore le témoignage physique de la violence des pilonnages d'artillerie. Et ce malaise qui vous prend par moment dans ces lieux tourmentés. L'auteur de Clochemerle qui fit rire la France toute entière, relate ici sa propre expérience des tranchées, et le ton est tout autre. Du front d'Artois, en passant par l'hôpital pour une blessure "heureuse", puis les Vosges où se fixe une guerre de position aux sommets des montagnes, et enfin le terrible Chemin des Dames, tout n'est qu'est qu'absurdité, à commencer par des officiers qui sacrifient les vies humaines par entêtement, bêtise, absence d'empathie. Et malgré tout cette abnégation de ces hommes de troupes qui vaille que vaille résistent et tentent de survivre. Car cette guerre militaire cache aussi une guerre de classes sociales où la vie des fantassins n'a aucune valeur, juste celle de la chair à canon. Ca fait froid dans le dos, et d'imaginer que cela a duré quatre années est hors de portée d'imagination. On comprend ceux qui se sont mutilés pour fuir cette horreur, on comprend ceux dont la bravoure camouflait au final des envies suicidaires et des pulsions de mort. Ce livre publié en 1930 n'aura pas empêché l'horreur suivante, ni les autres (Indochine, Algérie...). Un témoignage terrible dont la charge émotionnelle devient de plus en plus saisissante au fil des pages. A lire avec d'autres ouvrages tout aussi puissants, comme "Au revoir La-haut", "Les gueules cassées", "Johnny s'en va t-en guerre", "A l'ouest, rien de nouveau", "Les croix de bois"...