J'ai longtemps confondu Stefan Zweig et Stefan Wul. Ce qui m'a valu pas mal de problèmes, étant donné que je me demandais comment un auteur autrichien du début du XXe siècle avait pu écrire un livre de SF pour enfant aussi barré que Niourk...
L'erreur est réparée et j'ai le seul et unique roman d'un Zweig dont on m'avait souvent fait les éloges quant à son côté sombre et sur disséqueur de la nature humaine. Et comme souvent, lorsque je lis un truc qu'on m'a trop vendu, je fais "c'était pas mal."
Je crois qu'il y a deux facteurs qui font que je n'ai pas réussi à m'enthousiasmer "autant que ça" pour cette histoire de "pitié dangereuse" :
J'ai du mal avec les deux personnages centraux du roman que son Anton et Edith.
Anton passe son temps à dire que les choses sont inéluctables mais il semble sans arrêt réagir sur des coups de sang et suivre à chaque fois le dernier conseil qu'on lui donne. Très influençable ce garçon, tu m'étonnes que ses supérieurs le décrivent comme un bon élément, mais il est d'une sensibilité très "romantisme du XIXe siècle" qui parfois m'a agacé : lorsqu'il apprend qu'Edith est amoureuse de lui (chose que tout le monde avait vu arriver à 50 millions de kilomètres) il tartine des tonnes sur sa stupeur sur la douleur qui l'étreint, sur les sentiments. C'est lourd.
MAIS EDITH est pire : Sans arrêt en train de jouer à la pauvresse qui se meurt d'amour ou à la caractérielle qui fait souffrir son monde. Le personnage est sympathique au début puis devient totalement détestable et au final, on ne peut que se dire que la vie avec elle est plus un enfer qu'autre chose et qu'Anton Hoffmiller ne fuit pas une nana handicapé, mais plus quelqu'un au caractère exécrable.
Mon propre passif joue dans la balance. Je suis sorti, par le passé, avec une fille qui était handicapée. Du coup lorsqu'Anton décri*t "imaginez vous ce corps frèle"* et la façon dont le désir est impossible et la façon dont il ne peut "désirer cette pauvre créature" je me pose mentalement dans un coin et le regarde les bras croisé en me disant "mais quel petite bite !" (D'autant plus qu'Edith est juste paralysée des jambes et que le reste de son corps ne semble pas déformé ou quoi que ce soit ...) Si son manque d'attirance pour elle avait été justifiée à un moment quelconque par son caractère, j'aurais compris, mais non, c'est justifié uniquement par le physique et par "ho mon dieu, je ne peux pas me dépatouiller de ce malentendu." Ca me fait plutôt dire que les mentalités ont changées depuis un siècle.
Pourtant, le roman est bien écrit, sans temps morts et en dehors d'Anton et d'Édith, les personnages secondaires sont bien décrits notamment via le rapport qu'ils ont par envers la pitié. Mais le roman explique aussi comment la piété peut être un élément positif via les personnages de Kekesfalva et du Docteur Condor qui avaient de l'attirance vers la personne qu'ils ont épousés.
Le romans à des éclairs géniaux et des moments où j'étais vraiment accroché au livre (j'ai lu les 100 dernières pages quasiment d'une traite...) comme la scène des fiançailles où le héros a un accès de délire de condescendances ou les 5 dernières pages qui sont d'une noirceur poignante.
Bref, j'ai bien aimé. Mais avec des réserves. Sur ce, je vais peut-être voir si ma bibliothèque à Noô.