Impressions mêlées

La lecture de La promesse de l'aube m'a laissée des impressions assez confuses et pas toujours faciles à démêler: j'ai d'abord été très touchée par la très belle scène du début , quand la mère de Gary vient lui rendre visite à l'armée de l'air. Cette scène décrit a merveille la honte de l'amour filial pourtant universel devant les copains, et l'étreinte de ce gros loubard qu'est Romain Gary a 20 ans avec sa vieille russe de mère, agrémentée d'un joli doigt d'honneur en direction des autres cuirs ne peut qu'émouvoir et rappeler des scènes similaires que nous avons tous vécus.

Malheureusement, cette relation mère-fils qui est le thème central du bouquin m'a rendue mal à l'aise à mesure qu'elle se dessinait. En effet, un amour immense lie l'auteur à sa mère, mais cette dernière semble être plus dans la séduction de son fils que dans une démarche qui l'amènerait à s'épanouir. Dans de nombreux cas, elle utilise son image a des fins personnelles, elle lui cherche une passion d'artiste afin qu'il réalise un rêve qu'elle n'a pas aboutit dans sa propre vie, elle lui apprend a donner des claques au commerçants et a cogner les autres enfants qui diraient du mal d'elle. Ce qui est gênant dans la description de cette relation, c'est que l'auteur même adulte ne semble pas s'apercevoir de ce qu'elle contient de malsain , il rentre dans le jeu de sa mère, un jeu qui lui permet, à elle de prolonger dans la génération un égoïsme incroyable.

Pour revenir aux aspects positifs de ce livre, on y trouve une recherche de l'absolu très sincère, parfois résumée dans des formules aussi belles que le titre du livre: "Je me tuais à vouloir vivre ce qui à la rigueur pouvait seulement être chanté."; "Ma course fût une poursuite errante de quelque chose dont l'art me donnait soif, mais dont la vie ne pouvait m'offrir l'apaisement."

Malheureusement, la belle écriture de Gary comporte un défaut de poids qui a beaucoup gêné ma lecture: l'auteur se répète beaucoup dans ses formules et dans ses images. Ainsi, son expression favorite pour décrire l'attitude qu'il prenait vers ses 20 ans est "l'air vache", "la casquette sur l'oeil", à chaque fois qu'il évoque son patriotisme, il parle de son "espoir atavique", de "la main sur le coeur" et des "chants de Déroulède"....

Ma critique paraît surement très sévère alors que j'ai donné 7 au livre. Cela peut paraître paradoxal, mais c'est parce que le récit reste très agréable, subtil et touchant même si les défauts que j'ai signalés me sautaient trop aux yeux pour ne pas les partager.