Lire Giono et Gary, 2 humanismes

Au-delà de l'émotion grandissante que j'ai ressentie au fur et à mesure de la lecture du récit, je n'ai pas la prétention de faire une énième analyse de La promesse de l'aube.
Mon approche est essentiellement liée au hasard : je viens de lire Mort d'un personnage de Jean Giono juste avant.
Il y a donc une proximité évidente dans le thème de la relation d'un fils à sa mère omniprésente.

Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais.

Les 2 romans sont énormes au sens littéraire du terme.
Je propose donc "une comparaison" sur 3 sujets du débat de la présidentielle 2022 (critique écrite le 24/04/2022, jour du 2nd tour) :
- Le modèle social,
- L'environnement,
- L'immigration.

1er thème : Le modèle social
C'est de loin le thème le plus développé par ces écrivains.
Dans les 2 cas, les protagonistes viennent d'un milieu plutôt aisé et donc pas forcément représentatif de la société française.
S'identifier au personnage principal de manière universelle est donc lié à la trajectoire d'Angelo Pardi et de Roman Kacew.
- Le 1er a un père qui investit l'héritage de sa riche famille en faisant des choix humanistes forts (dans un foyer pour aveugles)
- Le 2nd immigre de la Russie vers la France via la Pologne. Le peu que sa mère sauve de la richesse initiale n'a aucune valeur en France et la famille doit sans cesse réinventer la progression de "Rags to Riches".
En somme, peu de points communs sur ce thème du modèle social sauf éventuellement :
- la chute d'un milieu favorisé où chaque enfant doit se réinventer dans les moments désargentés ;
- les voyages et les expériences forment la jeunesse plus que l'extraction sociale initiale.

En résumé, la réussite se fait :
- par l'effort et par le mérite.
- en restant conforme à des idéaux supérieurs humanistes.

Le bonheur est accessible, il suffit simplement de trouver sa vocation profonde
et de se donner à ce qu'on aime avec un abandon total de soi.

2ème thème : L'environnement
Giono est connu pour son engagement écologique précurseur. Plus précisément, il est le chantre de la ruralité et de la sobriété heureuse (Pierre Rabhi sort de ce corps !).
Cependant, Mort d'un personnage est son livre le moins centré sur la Nature. Toutefois, il y évoque clairement mais de manière succincte le paradis perdu du domaine familial de la grand-mère et de la mère.

Idem pour La promesse de l'aube dont ce n'est pas le sujet central.
Il est donc inattendu de retrouver à la fin du récit de Romain Gary un positionnement écologiste dans la lignée de son pacifisme et de son livre Les Racines du ciel.

J'ai été assez malade, après la guerre,
parce que je ne pouvais marcher sur une fourmi [...]
et finalement j'ai écrit tout un gros livre pour réclamer
que l'homme prenne la protection de la nature dans ses propres mains.

3ème thème : L'immigration
Jean Giono est né à Manosque d'un père est d'origine piémontaise (actuelle Italie).
Romain Gary est né à Vilnius (actuelle Lituanie).
Dans les 2 cas, les trajectoires sont celles de familles immigrées.
La différence notable est que La promesse d'aube raconte les étapes du passage de la Russie (Lituanie désormais) à la France - via la Pologne - alors que Mort d'un personnage ne fait qu'évoquer un héritage implicite.
Dans les 2 cas cependant, les récits sont teintés de cosmopolitanisme bienveillant mais aussi parfois de la dénonciation du racisme ordinaire.
La promesse de l'aube est évidemment beaucoup plus loquace sur ce sujet.

Mais dans les 2 cas, il y a en héritage ou en intention la volonté de s'inscrire dans les idéaux humanistes de la France.
- L'un issu de l'anarchisme socialiste (Giono).
- L'autre avec une perspective d'intégration, initialement belliciste, finalement pacifiste (Gary).

Je courrais joyeusement derrière le dépôt de bois où,
coiffé d'un tricorne de papier et armé d'un bâton,
je défendais l'Alsace-Lorraine, marchais sur Berlin
et accomplissais la conquête du monde jusqu'à l'heure du goûter.

En résumé, 2 livres magnifiques.
Avec chacun leurs partis pris sur des thèmes majeurs de la société.
2 livres que bien des aspects séparent
Et qui pourtant se retrouvent dans une intention commune : L'HUMANISME.