Il en a des choses à dire Monsieur Wohlleben, et d’autant plus qu’il n’est pas content, mais alors, pas content du tout, Monsieur Wohlleben ! Et il le fait savoir. D’ailleurs, il a écrit ce livre pour ça ! Pour « râler » contre la politique allemande d’exploitation et de gestion du domaine forestier.
Peter Wohlleben est né en 1964 à Bonn, capitale de l’Allemagne de l’Ouest. En 1983, il fait ses études à l’université des sciences forestières de Rottenburg. Après sa titularisation, en 1987, comme fonctionnaire de l’office forestier de Rhénanie-Palatinat, il travaille durant cinq ans comme directeur d’un bureau forestier. En 1991, il obtient enfin son premier travail comme forestier de terrain sur la communauté de Hümmel dans la région de l'Eifel.
La gestion forestière écologique de la forêt d’Hümmel reçoit la certification forestière Forest Stewardship Council, attestant d’une gestion forestière durable.
Il écrit en 2015 "La vie secrète des arbres", best-seller mondial qui lui permet de devenir "le forestier le plus célèbre de la planète", et de fonder en 2017 une Académie de la forêt, n’en déplaise à de nombreux détracteurs.
https://www.senscritique.com/livre/la_vie_secrete_des_arbres/23049961
J’avoue ne pas avoir lu "La vie secrète des arbres" auquel l’auteur ne cesse de faire référence. Peut-être le lirai-je car après avoir pris connaissance de la critique, dénuée de tout argument probant, du bucheron de service "robindestoits" (note 1/10), il semble intéressant de se faire une idée.
On ne voit plus dans les arbres que des « capteurs de CO2 », des fournisseurs de matière premières, de combustible au bilan carbone « nul » et on ignore complètement le rôle des forêts dans l’économie de l’eau et dans la régulation de la température, en ces temps d’échauffement climatique.
Et pourtant qui a dit : « La rareté ou l’absence de forêts augmente à la fois la température et la sécheresse de l’air, et cette sécheresse, en ce qu’elle réduit l’évaporation de l’eau et amoindrit la force de la végétation rase, exerce un effet en retour sur le climat local »
C’est très actuel, non ? C’est un savant contemporain ? Un lanceur d’alerte ? Un précurseur ?
Il était une fois, il y a deux siècles, un célèbre explorateur du nom d’Alexander von Humboldt qui avait longuement décrit l’importance de ces liens en 1831 dans ses Fragments de géologie et de climatologie d’Asie.
Alexander, baron von Humboldt, est un naturaliste, géographe et explorateur allemand né en 1769 à Berlin et mort en 1859 dans cette même ville. Il était membre associé de l’Académie des sciences française et président de la Société de géographie de Paris. Par la qualité des relevés topographiques et des prélèvements de faune et de flore effectués lors de ses expéditions, il a fondé les bases des explorations scientifiques modernes (Wiki)
Bon, alors c’est une vieille histoire… j’ai pris quelques notes des passages importants et c’est comme si je recopiais tout le bouquin… si cette histoire vous intéresse il vaudrait peut-être mieux lire le livre. Si vous voulez savoir pourquoi demain sera CHAUD, sec et en feu… c’est parce qu’on n’aura tenu aucun compte de ce livre ! Pessimiste ? Hélas non, fataliste… demandez donc à "robindestoits", je suis sûr qu’il va se taper sur les cuisses en riant un bon coup en citant "véganisme" entre deux côtelettes !
Trêve de plaisanteries. Quelles sont les idées, un peu utopiques, peut-être, de Monsieur Wohlleben ? Enfin, que nous propose-t-il notre ami Peter ?
Tout d’abord, je tiens à préciser que Peter (appelons-le par son prénom, c’est plus simple), Peter donc, critique fortement l’administration forestière allemande. Je n’y connais rien en gestion forestière, mais à partir du moment où elle est basée sur la rentabilité, je serais bien étonné que la gestion française soit fondamentalement différente.
Commençons par une pensée pour ceux qui doute encore de l’intelligence des arbres, sont-ils capables d’apprendre et de mettre en application ce qu’ils ont appris ? En effet : « Un changement de comportement consécutif à de nouvelles expériences : c’est la définition de l’apprentissage. » Et bien des arbres qui ont souffert d’un été particulièrement sec, sauront par la suite économiser leur consommation d’eau. Ce changement de comportement se voit notamment au fait que le diamètre des troncs ne croît plus aussi vite. Même si, à l’avenir, il n’y a plus de sécheresses, les arbres demeureront fidèles à la stratégie qu’ils ont adoptée à la suite de cet événement traumatique.
J’entends déjà des voix s’élever disant que ça n’a rien à voir avec l’intelligence… (la leur sans doute) !
[Wikipédia nous dit que : L'intelligence est l'ensemble des processus retrouvés dans des systèmes, plus ou moins complexes, vivants ou non, qui permettent de comprendre, d'apprendre ou de s'adapter à des situations nouvelles – Ah tiens !]
Un autre exemple ? Peter a pu remarquer qu’au cours des étés de sécheresse 2018 et 2019, de vieilles forêts de hêtres se révélèrent d’une étonnante robustesse. Mais la situation changea en 2020, lors du troisième été sec. C’étaient surtout les versants nord qui étaient touchés, c’est-à-dire les zones en principe les moins exposées, les plus humides. Or c’était là que les symptômes étaient les plus manifestes. Pourtant, le stress des arbres situés sur les pentes sud, visible à la coloration brune de leurs feuilles, fut moins marqué. L’été 2020 ne les épargna pas, mais ils avaient appris des années précédentes, ils se mirent en mode urgence au bon moment. Plongés dans une sorte de demi-sommeil, ils économisèrent de l’eau. Lors de la sécheresse de 2019, l’humidité du sol, au Nord, était restée suffisante, et c’était encore le cas en juillet 2020. Mais en août les ultimes réserves furent épuisées en un tournemain ; lors d’une chaude journée d’été, un hêtre adulte peut perdre jusqu’à 500 litres d’eau.
Alors, non seulement les arbres apprennent, mais ils transmettent une partie de leur savoir à leur progéniture ! Pour alléger le texte, je ne vais pas rapporter le détail des études, mais croyez-moi sur parole, les graines sont porteuses de l’apprentissage des parents (résistance à la sécheresse, au gel…). Vous voyez où je veux en venir ? Aux godets de pépinières en terres étrangères… Oui ? Non ? Pas encore branché ? Ça va venir…
On l’a dit, un hêtre adulte peut pomper jusqu’à 500 litres d’eau dans une journée d’été et pour évaporer de l’eau il faut de la chaleur que l’arbre prend dans… l’atmosphère ! S’il fait frais à l’ombre d’un arbre, ce n’est pas seulement à cause de l’ombre (qu’est-ce qu’il fait chaud sous un parasol !), c’est à cause de l’évaporation ! Les arbres apportent tant de fraîcheur que la différence de température entre une ville comme Berlin et une forêt ancienne est d’environ 15 °C. La campagne cultivée avec ses prairies et ses terres agricoles affiche environ 10°C. Mais le résultat le plus surprenant concerne les plantations de pins. Les études révèlent, en effet, que ces monocultures ne remplacent nullement la vraie forêt. La température y est jusqu’à 8°C plus élevée que dans les vieilles forêts de feuillus.
À grande échelle, cette baisse de température entraîne des modifications de pression barométrique et de pluviométrie (n’oublions pas que la vapeur d’eau distillée par les arbres ne disparait pas par l’opération du Saint-Esprit, elle rejoint l’atmosphère, se condense pour former des nuages et … de la pluie), ainsi, si l’on déboise et remplace les forêts par des herbages et des terres agricoles, les précipitations accusent une baisse qui peut aller jusqu’à 90 %. Voilà pourquoi, depuis le tournant des années 2000, les sécheresses sont de plus en plus fréquentes sur les bords de l’Amazone !
Bon, Ok pour l’effet climatiseur et arroseur. Mais le CO2, c’est important le CO2, on continue à brûler du pétrole, bon sang ! À produire ce satané gaz à effet de serre ! Le dioxyde de carbone, les arbres sont faits pour ça, pour le stocker !
Le diamètre du tronc d’un arbre augmente de façon continue avec le temps, le stockage de carbone s’accroît en conséquence. Cette croissance continue de l’arbre ne ralentit que bien après l’âge habituel de la récolte. De plus, sur toute sa hauteur (qui peut atteindre 50 mètres), un grand arbre stocke incomparablement plus de carbone sous forme de bois qu’un ensemble de petits arbres minces qui se trouveraient sur la même surface. Or les grands arbres se sont faits très rares dans les forêts, que ce soit au Canada ou en Europe. En raison des coupes et des reboisements, l’âge moyen des arbres en Allemagne ne dépasse plus guère 77 ans. Pourtant, nos espèces locales peuvent tout à fait atteindre 500 ans et plus. Eh ben non, on coupe, on coupe et en coupe encore et, éventuellement, on remplace par de jeunes plans qui mettront des décennies pour stocker le carbone.
Alors ? Les producteurs donnent comme argument la longévité de nombreux objets fabriqués avec ce matériau : quand on stocke le CO2 sous la forme de maisons ou de meubles, on peut dans le même temps faire pousser dans la forêt de nouveaux arbres qui emmagasineront à leur tour du dioxyde de carbone. Au total, on stockera donc davantage de gaz à effet de serre que ne le ferait une forêt naturelle non exploitée, où les arbres morts libéreraient leur CO2 en pourrissant. Or, nous dit Peter, les meubles bon marché tiennent 10 ans, les livres 25, et le bois de construction (par exemple pour les charpentes) 75. La moyenne de l’ensemble s’élève à 33 ans, ce qui, pour un stockage prétendument de longue durée, ne fait pas beaucoup. Par ailleurs, une fois transformé, le bois n’exerce plus d’effet rafraîchissant et ne favorise plus les précipitations.
Mais ce n’est pas tout ! Dans le sol de la forêt il peut se créer une accumulation progressive de carbone sous la forme d’épaisses couches d’humus. Quand cette couche protectrice garantie par les arbres disparaît, le sol se met à chauffer. En l’espace de quelques années, une grande partie de la précieuse couche disparaît, ce qui veut dire que le carbone est rejeté dans l’atmosphère sous la forme de CO2. Les chiffes accusent : dans les forêts éclaircies d’Allemagne, les sols ne montrent plus en moyenne qu’entre 2 et 8 % d’humus. En ce qui concerne le carbone stocké dans le sol, les grands arbres jouent visiblement un rôle important, ainsi que l’a découvert une équipe de recherche dirigée par l’Australien Christopher Dean. Ils protègent littéralement le carbone, et ce de manière si efficace qu’une partie en est presque passée inaperçue jusqu’à présent.
En outre, quand les grands arbres se décomposent de l’intérieur parce que leur bois n’est plus utilisé. Champignons et bactéries pénètrent par des blessures ou des branches mortes. Les substances nutritives qui avaient été conservées à l’intérieur du bois sont libérées par cet autocompostage. Cet humus contient de grandes quantités de carbone.
Extraire les arbres morts des forêts est une grossière erreur :
« Chaque tronc que l’on sort de la forêt est un rappel de l’échec des politiques de gestion forestière. Dans la forêt, il aurait accueilli d’innombrables micro-organismes, emmagasiné de l’eau et rafraîchi son environnement. Au terme de nombreuses décennies, il se serait décomposé et transformé en humus au bénéfice séculaire de tout ce qui vit dans le sol. Cette vision écologique de la forêt était et reste largement étrangère aux décideurs politiques. Sinon, comment pourraient-ils subventionner une vaste opération d’évacuation du bois défectueux (ainsi que l’on désigne cette précieuse biomasse) ? »
Puisqu’il faut bien en parler, on en arrive au bois de chauffage :
Soyons précis, rappelons que « Sur base des chiffres de l’année 2010 et en considérant les filières d’approvisionnement standards pour les applications domestiques, on peut approximativement compter que pour 1 kWh de bois-énergie, il faut 0.2 kWh d’énergie fossile pour des pellets et 0.1 kWh d’énergie fossile pour des bûches. En conclusion, l’impact en termes d’émission de GES n’est pas totalement nul, mais reste de loin meilleur que pour les énergies fossiles traditionnelles. »
https://energieplus-lesite.be/theories/bois-energie/combustion-du-bois/
Ajoutons que la contribution de l'étape de combustion à l'effet de serre est liée aux émissions de méthane (CH4) et de protoxyde d'azote (N2O). Le méthane a un potentiel de réchauffement global (PRG) égal à 25 fois celui du CO2. Le PRG du protoxyde d'azote est égal à 298 fois celui du CO2. Cette contribution représente une part notable du bilan effet de serre du bois-énergie pratiquement du même ordre que l’incidence de l’énergie fossile nécessaire.
En fait de neutralité de l’énergie-bois, vis-à-vis du réchauffement climatique, les bûches accusent un déficit (en supposant un remplacement systématique par plantations) de l’ordre de 20 % et les pellets de 40 % ce qui est loin d’être négligeable, mais reste inférieur à la plupart des autres sources énergétiques.
Bon, alors, c’est bien joli tout ça, mais qu’est-ce qu’il propose Peter ?
- Les arbres sont de « grands garçons », laissons-les faire !
- Limiter les coupes au strict minimum.
- Planter des essences autochtones, feuillues.
- Planter des feuillus et non des épicéas non adaptés.
- Laisser sur place le « bois défectueux » pour fixer le carbone et constituer la biomasse.
- Utiliser des chevaux de trait en lieu et place des lourdes machines d’exploitation qui détruisent le sol.
- Réduire la consommation de viande (exagérée) ce qui permettra de procéder à la reforestation des surfaces correspondantes actuellement consacrées à la production du fourrage !
- Etc. J’en oublie…
Pour terminer je vais vous expliquer comment Peter voit le reboisement de terres agricoles (gagnées sur les rumstecks) :
« De manière toute simple : en simulant le reboisement naturel en accéléré. Pour cela, il faut commencer par planter des bouleaux ou des trembles. Ces arbres pionniers sont parmi les premiers à s’installer. Et en l’absence de mères-arbres dans un vaste rayon, on peut donner un coup de pouce en plantant 500 arbustes par hectare. Avec une croissance pouvant atteindre un mètre par an, ils forment rapidement une petite forêt assurant de l’ombre et une bonne humidité du sol. Les hêtres que l’on peut planter quelques années plus tard se sentent bien dans le climat instauré par ces nourrices. Encore mieux, on peut utiliser des caisses de semences que l’on fixe sur des poteaux. On les remplit de faînes ou de glands, que les geais ou les corneilles des environs dissimulent à titre de réserves pour l’hiver. Les oiseaux aimant jouer la carte de la sécurité, ils cachent jusqu’à 10 000 de ces graines alors qu’ils en consomment à peine 2 000. Ce surplus important germe au printemps, assurant aux arbres une progéniture à bas coût. La dépense ne se monte qu’à quelques euros et les jeunes arbres grandissent avec des racines intactes presque comme dans une forêt naturelle. « Presque », parce qu’il leur manque les mères-arbres. Ces dernières peuvent être remplacées en partie par les bouleaux qui procurent ombre et humidité, mais pas quand il s’agit du transfert de nourriture et d’informations. »
Et voilà comment, sans gros efforts ni grosses finances on transforme, en quelques décennies, une terre agricole chaude et rébarbative en une forêt d’Eden « Presque » naturelle, fraîche et accueillante… Espérons qu’il aura pensé à dissimuler dans les "caisses à semences" quelques graines d’elfes, de farfadets et autres lutins, pour parfaire sa création…