Ce matin, j’ai découvert La reine des lectrices, un roman anglais, de quelques 120 pages, qui n’a pas moins que la reine d’Angleterre pour personnage principal. Pour l’occasion, la très fameuse Elizabeth number two est bien loin de ses préoccupations habituelles, et se découvre, grâce à ses chiens fétiches, un bibliobus municipal et un commis de cuisine un peu fainéant une passion dévorante pour la lecture. Malheureusement pour son entourage désespéré, cette passion n’a de cesse de s’intensifier à tel point que la vieille reine passe tour à tour pour sénile, folle, ou carrément victime d’un Alzheimer foudroyant.
De situations cocasses en clins d’œil satiriques cette petite fable délirante nous embarque au côté d’une reine qui finit par abandonner toute sa bienséance, son célèbre chic so british et sa classe flegmatique pour se plonger sans compter dans ses lectures. Et quand la reine mère se met à conseiller à ses ministres des livres historiques ou géopolitiques — qu’ils ne lisent jamais —, à interroger des représentants étrangers sur leurs auteurs nationaux en plein dîner diplomatique, ou à demander aux agriculteurs qu’elle rencontre s’ils ont récemment relu Jane Eyre au lieu de leur parler de la pluie et du beau temps comme elle le fait d’habitude, plus personne ne comprend rien et ne sait quoi faire.
Les ministres, secrétaires particuliers et femmes de chambre on beau cacher les livres, les perdre ou même carrément les faire exploser, rien n’y fait, la reine est devenue une droguée de la lecture. Et pourquoi pas même, de l’écriture. Ses petits carnets qu’elle traîne partout avec elle en témoignent, la reine recopie, prend note, consigne, griffonne et rempli des pages et des pages de blabla secret qui intrigue et inquiète aux alentours.
L’histoire ne casse pas trois pattes à un canard comme on dit au fond de ma campagne, mais elle est bien menée, rythmée, et nous rend ce personnage public — qui est probablement le plus distant qu’on puisse imaginer — assez attachant et franchement amusant. Au delà de la dimension un tantinet délirante de la situation, l’auteur glisse de candides moqueries à l’encontre de la famille royale et des comportements publics et privés des membres du gouvernement, et en profite pour lancer des attaques certes peu virulentes, mais un poil piquantes contre à peu près tout ce qui touche à l’entourage de Sa Majesté.
Et au milieu de tout ça, il s’amuse à nous livrer l’état d’esprit tel qu’il l’imagine de la reine qui, du haut de ses quatre-vingt ans se découvre cette passion à côté de laquelle elle est passée toute sa vie, et qui l’amène à s’interroger justement sur le sens de sa vie, son héritage, sa marque dans le monde, etc.
Ces quelques petites questions qui trottent dans la tête de cette petite reine (je parle évidemment de sa taille physique) ne font pas pour autant de ce roman une grande réflexion sur la condition des monarques au vingt-et-unième siècle. Bien loin de ces prétentions, ce roman ne se classe pas dans la grande littérature, mais nul besoin de bouder son plaisir quand on s’y plonge. Pour qui n’a que peu de temps pour lire, envie de se détendre sans se prendre la tête, dix minutes de métro à tuer tous les matin, ce livre est parfait. On l’ouvre comme on le ferme, sans trop réfléchir, et on s’amuse le temps que dure la lecture. Ça ne reste pas dans la tête, ça ne marque pas l’esprit, mais ça permet de passer un bon moment, et c’est tout ce que ça prétend faire. Missions accomplie pour ce petit bouquin très réussi et plein de rebondissements !
À lire aussi, avec plein d'autres, sur : http://www.demain-les-gobelins.com/la-reine-des-lectrices/