J'ai reçu l'intégrale d'Andersen comme cadeau de naissance de ma première fille et, si je lui ai lu plusieurs histoires, arrivée à la Reine des neiges, je me suis longtemps demandée POURQUOI TU LE LIS A TA PAUVRE ENFANT ? Malgré tout, nous l'avons terminé sur insistance de ma petite car il faut dire que c'est très bien écrit, il y a un vrai suspens, beaucoup de rebondissements et je voulais aussi connaitre la fin.
Dès la première page, j'ai flippé ma race, bon en même temps, je suis assez sensible d'ordinaire et n'aime pas les choses terrifiantes, mais quand je dis "flippé", c'est flippé à mort. J'étais glacée à l'intérieur et je ne comprenais pas pourquoi je lisais une histoire aussi chelou à une pauvre petite de quatre ans... Des fois on est parent mais on est vachement con...
Depuis que ma fille sait lire, elle l'a lu seule avec plaisir et beaucoup d'effroi. Je l'ai aussi relu seule pour le comprendre à plusieurs reprises et la sensation de froidure n'a pas disparu. Mais c'est un des plus beaux contes que j'ai lu.
Au premier récit, Andersen nous plonge d'emblée dans un monde hautement mystique et très chrétien voire largement ésotérique. Le diable apparait à la première ligne et est le personnage principal du conte puisque c'est... la reine des Neiges (enfin une de ses hypostases). Oui, c'est le personnage principal et non pas Kay, ni Gerda qui elle est l’héroïne. Le diable est le perso principal car la neige est présente du début à la fin, le froid parcourt presque toutes les pages et tout l'environnement dans lequel évoluent les protagonistes est le monde régit par "le prince de ce monde" dans lequel le petit Kay est aveuglé par des fausses idoles lui glaçant le cœur et devient prisonnier du diable et où Gerda est la figure du Christ par excellence.
Après le premier récit, les six récits suivants sont autant de rituels initiatiques et parfois on se demande à quoi tournait Andersen parce que la scène dans le jardin de fleurs est vachement psychédélique et fait penser à un passage d'Alice au pays des merveilles.
J'ai beaucoup aimé la construction et la structure en sept récits, reprise d'ailleurs largement maintenant que j'y pense dans le monde de Narnia. Chaque récit est construit comme un univers à part entière, compréhensible en soi-même et pourtant formant une partie du tout. Il y a une plongée dans différentes strates de conscience, très complexes, qui renvoie Inception au rang de film gentillet.
J'aime beaucoup la manière dont Andersen mêle le merveilleux et le religieux, les pratiques chamaniques persistantes et la religion populaire, le vieux fond du mythe indo-européen avec le Pater. Il est intéressant de noter également qu'en ce milieu de XIX, le diable est partout en Europe, chez les Romantiques mais aussi ailleurs, et que la lutte contre le Malin n'est pas une image mais qu'au contraire, les écrivains se servent d'images diverses afin de faire comprendre ce combat spirituel.
C'est une œuvre géniale, apparemment écrite en seulement cinq jours, bien inspiré le mec! Je conseille fortement sa lecture à tout le monde à partir de huit ans, cela ravira les parents et les enfants car chacun peut en tirer du plaisir à hauteur de son intellect. C'est très bien écrit et en plus les gentils gagnent à la fin et ça c'est bien !